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Giovanni BENINI

Tirésias

Moi, Tirésias, vieil homme aux mamelles fripées,
Je fus une pythie au cours de sept années,
Lisant dans les astres, j’accordais aux humains
L’illusion que leurs torts venaient d’un plan divin.

Et tous ces boucs fangeux en ont bien profité
Se livrant aux orgies en toute impunité,
Le reflet des étoiles dans les caniveaux
Consolaient leurs vices et combien d’autres maux.

Mâles et femelles sont en moi enlacés
Comme ces deux serpents que j’avais piétinés
Et si j’ai pu percer tour à tour les secrets
De leurs jouissances, rien ne m’en est resté.

Moi, Tirésias, fils de la nuit aux lèvres d’or,
Un aveugle voyant, dans l’ombre, mirador,
Je les scrutais ces ténèbres de ceux qui voient
Frappés de cécité dans leur quête du moi.

Terrible est le savoir quand il ne sert à rien
Sinon à confirmer l’immuable destin
Comme un acteur scandant la même tragédie
Impuissant à changer le cours des infamies.

De celui qui résolut l’énigme du sphinx
Qui se croyait perspicace comme le lynx
Mais dont les pieds enflés tel un mauvais présage
Attestaient qu’un boiteux ne peut devenir sage.

Il n’avait pas compris qu’en perçant la charade,
C’est son propre destin qu’il avait devant lui,
Qu’il allait accomplir avec rodomontade
Cette atroce fusion et ce meurtre agoni.

Et deviendrait l’enquêteur de ses propres crimes
Tandis que la peste amoncelait les victimes,
Il devra s’aveugler devant la vérité :
Si la sphynge était morte, un monstre en était né.

Moi Tirésias, enfant de l’ombre et la lumière
Célèbre pour mon art foudroyant tel l’éclair
J’ai révélé longtemps aux hommes leurs mystères
Mais n’ai pu épargner leur séjour aux enfers.