Sans réponse
Ne me demandez pas où est mon pays,
C’est une nécropole où les morts font du bruit,
Leurs yeux sont desséchés et leurs doigts acérés,
Ils sont si avides, ne laissent que du vide,
Ils sont inconsistants , vieilles peaux de serpent,
N’ont pas d’uniforme mais la tête conforme,
Et cherchent l’évasion dans leur belle prison.
Ne me demandez pas qui suis-je ici bas,
Un tas de papiers en règle,
Un esprit qui se dérègle,
J’exerce une fonction sans signification,
Chaque matin, je me lave
Dans un bain empli d’épaves,
Je n’ai plus de reflet dans ce miroir lassé
Et quand j’entends des voix, je ne les comprends pas,
Chaque jour, j’arrache une feuille,
D’un grand calendrier en deuil
Où figure mon nom décru tel un micron.
Ne me demandez pas où loge notre foi,
Elle ruisselle en transe
D’une aisselle en vacance,
Dans un colis piégé de fils d’Allah paumés,
Un suicide d’ado lors du dernier métro,
Elle séjourne parfois au fond d’un galetas ;
Jamais, dans les églises
Hors la terre promise
Et certains l’ont cherchée dans des cerveaux bien faits
Mais n’y ont rien trouvé que la peur d’être né,
D’autres la jouent aux dés pour un avenir aisé
Mais le plus couramment, on l'ignore gaiement .
Ne me demandez pas où mène ce chemin,
Chacun doit l’emprunter, personne ne l’obtient,
On peut s’y arrêter ou alors le continuer
Il n’ira pas plus loin que nos pieds incertains,
On y croise des croix ou des fleurs en émoi
Se côtoient des palais, des ruines, des troquets,
Des anges, des démons, la dent de Salomon,
Personne n’y verra que l’empreinte de pas
Qui le suivent toujours jusqu’au bout du séjour.
Ne me demandez plus où est passé le temps,
Parfois il nous poursuit et parfois il s’enfuit,
Ne laisse aucune adresse,
Ne fait aucune promesse,
Et pourtant à chaque instant,
Il nous offre un présent,
Il nous suffit de contempler,
Lorsque l’aurore se dévoile,
Le pur regard d’un nouveau-né
Où brille une larme d’étoile.
