Tandis que la musique traîne ses derniers feux rageurs, Les voix s'estompent dans l'obscure demeure, Quelques larmes nocturnes éteignent les chandelles Dont les ombres s'envolent en forme d' ombelles. Caché derrière des statue sans âge, j'habite une fenêtre où sinue la rue Tel un long serpent aux écailles miroitantes Rythmées par les lueurs des lanternes chancelantes. Quelques feuilles volent dans la douleur du soir Et la ville gronde comme un lion hagard. C'est l'heure du loup, la confusion des apparences, Des chairs qui se chiffonnent dans la peur de n'être plus, C'est l'heure des chants anonymes, berceuses des tombes Où quelques harpies jouent aux osselets Sous les grimaces bleuies de la lune, Où des voleurs de temps assassinent les minutes A coup de machettes trempées dans leur ennui. C'est l'heure des spectres en guenilles, Eclos des poubelles vagissantes, Qui se scarifient les yeux avec des broches maternelles. Bondissant des serrures, des nains emportent dans leurs sacs à malice Les rêves des grabataires qui veulent marcher sur l'eau. Passent des Messaline aux cheveux de nénuphar, Elles fixent l'horloge d'une antique gare, Iront-elles plus loin que le dernier rail, Vers le fleuve de l'oubli où la mort travaille ? Au loin se balance une corde A la branche du chêne noir, Est-ce mon nom qui résonne là ? Un bourreau cagoulé se rue vers moi, Arrache son masque et... je vois mon image, Encore et toujours dans ce cauchemar poisseux ! Près d'une fenêtre où le lierre des années Grimpe sans cesse dans une nuit sans fin.
