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Giovanni BENINI

Les sortilèges de la nuit : Médée

Oh, que cesse donc cette passion corrosive !
Qui tourmente mon âme de ces flèches vives,
Plutôt brûler mes yeux de cent charbons ardents
Que de voir encore mon détestable amant.

Le feu de mon amour a incendié le ciel,
Du Tartare à l’Olympe, il courait, torrentiel.
Quand ton regard de braise a transpercé ma chair
Mon coeur a chaviré, frêle esquif solitaire,
Comme une ménade dans ses transes furieuses,
Je parcourais les bois, irritée, tempêtueuse,
J’arrachais les bourgeons et scarifiais les troncs
Mais rien ne pu calmer ce délicieux poison,
Je me suis résignée, être à toi à jamais
Et passais constamment de la joie au regret.

Serais-tu si puissant sans ces ressorts magiques,
Ces filtres stupéfiants, ces herbes maléfiques
Que j’avais concoctés dans mes fièvres infernales,
Où prostrée, à tes pieds, j’attendais ton signal.
Tu n’aurais pu dompter ces grands taureaux d’airain
Ni vaincre les Spartes, semencés par tes mains
Et cette toison d’or, toi et les argonautes
N’auraient pu la ravir sans abuser votre hôte,
Mais qui était-il donc sinon mon noble père ?
Que j’ai tant mortifié pour ce destin amer !

Ainsi, j’aurais volé les cheveux de l’aurore
Pour te tisser un jour éclatant comme l’or,
J’aurais apprivoisé les chevaux du soleil,
Les spectres lunaires qui hantent le sommeil,
Qu’à jamais cette peur qui hante les humains
Ne soit plus qu’un hochet ou un masque enfantin,
Mais les Dieux si jaloux de mes fervents transports,
Se sont tous acharnés sur mon funeste sort.

Car ces doigts délicats qui caressaient ta joue
Ont commis l’innommable avec tant de courroux !
D’abord fratricide, j’ai découpé sa chair,
Et pour fuir mon parent, les dispersaient en mer.
Que de larmes de sang coulèrent des collines,
Que d’éclairs déchirants blessèrent l’aubépine !
J’ai ensuite leurré les filles d’un vieux roi,
Qu’elles dépecèrent, croyant de bonne foi
Qu’il pourrait rajeunir, retrouver sa vigueur
Elles l’avaient tant aimé, hélàs, pour leur malheur !

Je maîtrisais cet art qui consiste à punir
Ceux dont les illusions ne veulent pas mourir.

Cette puissance, je l’offrais à mon seigneur,
Mais Jason s’éloigna par dégoût ou par peur,
Et chercha réconfort, me laissant, seule, amère,
Souffrir mille martyrs, impudente sorcière,
Répudiée, calomniée, une telle souffrance !

Alors, je t’appelle, toi, mon unique engeance,
Venge-moi, ma haine, qu’enfin tout disparaisse,
Que rien ne subsiste, sinon cette détresse,
Et que les fruits de notre union soient enterrés
Maintenant que l’horreur a tout décomposé,
Que le nom de Médée, à jamais , soit maudit,
Qu’il résonne aux confins d’une terre flétrie,
Qui pourra pardonner, impartial et lucide,
L’œuvre d’une mère nommée infanticide ?