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Giovanni BENINI

Les sortilèges de la nuit : Apocalypses

Quand l’hiver déploie ses lassos de givre
Et fouette avec sa vigueur obstinée?
Les arbres déchiquetés,?
Les mers hurlantes d’effroi,
Les landes lugubres où mugissent des ombres
Et les visages crispés de peurs incurables,?
Je me cloître dans mon laboratoire de clinicien
Et je me téléphone durant ces longues nuits
Où veille l’insomnie.
D’abord, durant de nombreuses semaines,?
Personne n’ a semblé répondre,?
Seul le bruit agaçant de l’attente...?
Et puis, lentement, indistinctement , inexorablement
Un son s’est ébauché, inarticulé, répulsif
Comme un nourrisson qui vagit aux mamelles :
« Mô...mô...Mômmm ....mô.... ».?
A la terreur hallucinée des premiers instants
?A succédé la perplexité, la gêne, la curiosité ,
Puis une fascination doublée d’un élan presque maternel.
Pendant que l’hiver installe définitivement ses quartiers
Et étrangle tout râle de vie,
?Que d’effrayants hennissements et piétinements
Emplissent d’échos les rues pétrifiées,
Je me sens tout envahi par cet hôte secret?
Qui s’affirme de nuit en nuit, devient mon disciple,
Mon confident, mon seul ami,
Tant nos connivences s’affinent et se multiplient.
Aurai-je enfin découvert mon alter ego ?
Dehors c’est le déchaînement,?
Un vacarme épouvantable agite la ville,?
Des odeurs de chairs décomposées s’élèvent dans les airs,
Des bruissements d’ailes membraneuses sèment la panique,
Ca vocifère, ça supplie, ça geint et puis quelques gargouillis...
Mais ces derniers temps,?
Sa voix est devenue sifflante, menaçante,?
Je sens sa présence autour de moi comme un parfum délétère.?
Dehors, plus rien ne vit,?
Le froid, le grand nocturne, la désolation ont triomphé,
Je réalise que mon temps est compté.?
Mais s’il frappe à la porte, je ne lui ouvrirai pas !
Car je sais que j’y verrai ce monstre ridé que je suis
devenu,
?Moi, le kabbaliste, le mystagogue,l’ultime élu de l’occulte,
Moi qui ai rencontré les chamans de Mongolie,
?Les fabricants de cauchemars de Malaisie,?
Les mages de Sibérie qui commandent les ouragans,?
Moi qui ai percé les secrets du Nécronomicon ,?
Ce livre maudit !
?Ecrit par le sang du prophète dément Abdul Alhazred,
Moi qui ai déchaîné toutes ces forces obscures.
Maintenant enfermé à tout jamais,
Auprès de mes jumeaux tant exécrés,
Dans cet hôpital de vieillards gémissants,
Bavants, ricanants,?
Courbés sur leurs chevaux de bois,
Attendant d’être autopsiés
Dans le froid et la désolation,
?Attendant qu’on nous ôte
?Cette infernale mémoire infinie,?
Qu’on y efface ces incantations malsaines ,
Récitées lors du rituel des Walkyries,
Qui ont ressuscité toutes les figures démoniaques
Des apocalypses.
« Mô...Mmmmô.... Môôô.... Mô....»
?Gémit la bise dans d’interminables couloirs.