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Giovanni BENINI

Les enfants de Prométhée

Elle sautillait en murmurant des comptines
Qu’accompagnait le vent de son chœur de basson,
La neige avait posé sa blanche capeline
Sur la toison blonde tel le blé en moisson.

Elle longeait les murs grelottant sous l’hiver
Où s’allongeait l’ombre des sobres réverbères
Que quelques ivrognes sous des vagues de bière
Venaient secouer pour en dérober la lumière.

Las, elle s’abritait sous les porches sombres
Menaçant comme des gueules de loups en nombre,
Et sanglotait dans ce long silence oppressant
Que troublaient parfois les pas heurtés des passants.

Son tablier fripé cachaient ses seuls trésors
Tellement discrets, des bâtonnets de phosphore,
Elle les avait appelés mes fées allumettes,
Quand elles brasillaient dans les glauques buvettes.

Son père n’était pas tendre, il fallait bien les vendre
Mais dans ce lourd brouillard, qui donc pouvait la voir ?
Sa voix de passereau, qui donc pouvait l’entendre ?
Ainsi se sentait-elle esseulée, sans espoir.

Elle aurait tant voulu allumer un grand cierge
Pour louer le visage de la sainte vierge
Mais il fallait hélàs payer ce beau spectacle
Comme ces gourdiflots qui croyaient aux oracles.

Partout dans les maisons, on fêtait ce bon jour,
C’était le nouvel an pour de nouveaux amours,
Les fenêtres riaient et les chaises dansaient,
Les guirlandes flottaient dans les airs parfumés.

La petite fille cheminait dans la nuit
Et sur de vieux cailloux frottait une brindille,
Elle y voyait alors de radieuses images
Dans les lueurs dorées commençait un voyage.

Des pays fabuleux où coulaient des rivières
De ce lait maternel, lascif et salutaire,
Des chevaux bondissant dans des gorges lunaires
Dont l’écho fracassant soufflait mille poussières.

Mais la flamme mourait, revenaient les ténèbres
Et l’enfant gémissait sous les flocons funèbres,
Elle s’ imaginait le courroux paternel
Quand il découvrirait son larcin d’étincelles.
Soudain un aigle blanc surgit du firmament,
Ses ailes géantes caressa ses paupières,
La nymphe s’endormit sur son lit de misère
Auprès d’une chapelle qu’abandonnaient les ans.

Une bien triste histoire, me direz-vous lecteur,
Qui a eu lieu jadis mais c’est bien là le leurre
Car le vieux Prométhée conçut beaucoup d’enfants
Qui errent nuit et jour pour vendre la lumière
Aux aveugles qui sont encore bienveillants
Contre quelques deniers jetés dans les ornières.