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Giovanni BENINI

Les chevaux fous

Les chevaux fous des tempêtes au nord s'enragent,
Puis, plongent leur museau dans de noirs soupiraux
D’où s’échappent les cris des enfants de l'orage,
Oubliés dans la cave où grouillent des crapauds.

Ils heurtent puissamment les enseignes frileuses
Qu'étincellent les vents en averse furieuse
Comme des billes de feu dans les caniveaux
Dévalant obstinées vers de sombres ruisseaux.

Les chevaux du fracas vont briser des fenêtres,
Renverser les meubles et fêler les miroirs
Où quelques comtesses au visage blafard
Recherchent éperdues les blasons du paraître.

Ils secouent acharnés les lourdes panoplies
Qui ornent dignement les murs des cheminées,
Lèvent les tentures où se cache, anobli,
Un spectre hérissé de fastes vanités.

Les chevaux fous des tempêtes clament si fort
Que des avalanches répondent au clocher
Graillonnant les noces d’Eros et de Psyché,
En habit de neige comme les rois condors.

Leurs naseaux frémissants soufflent des tourbillons
Qui, des grands déserts bleus aux steppes boréales,
Virevoltent en sifflant la désolation,
Malgré les momeries de matoises vestales.

Les chevaux du fracas mordent les hauts cyprès
Qui tombent lourdement sur des croix délaissées,
Où bayent sans arrêt dans leur frac bien lissé,
De viles corneilles en quête de becquée.

Leurs sabots trépidant arrachent des sanglots
Aux pavés piétinés, règne des chemineaux,
Ils poursuivent les trains suspendus aux échelles
Où tant d’âmes rêvent d’atteindre enfin le ciel.

Puis, ces chevaux fous aux crinières en rafales
S’en retournent vers leurs provinces infernales,
Chargés de nos frayeurs constamment opiacées
Par ces banals poisons qui rythment nos journées.

Ils reviendront un jour quand nous serons si vieux,
Que leurs hennissements devenus familiers,
Loin de nous effrayer seront tant acclamés,
Qu’ils nous emporteront sur leurs flancs lumineux.