L'ombre de la falaise tremblait sur la plage Plongeant dans les ténèbres les fulmars frileux, Un sentier sinueux s'élançait silencieux Vers la colline sombre où menaçait l'orage.
Elle savait déjà ce qu'elle trouverait Là-haut, une église que la foi avait fui, Où rôdaient les échos des sardoniques cris Des enfants du démon qui s'y étaient cachés.
Car, depuis tant d'années, un affreux cauchemar Hantait ses longues nuits baignées de tant de larmes, Toujours, elle avançait dans un morne brouillard Sur ce chemin sournois aux maléfiques charmes.
Non loin du vieux clocher, de la nef dévastée Se dressaient quelques croix agressées par la bise Elle s'en approchait et découvrait troublée Une tombe béante qui lui était promise.
Son nom était tracé en lettres écarlates Sur la stèle abimée où gonflaient des lézards Et le ciel torturé saignait de ses stigmates Tandis qu'à l'horizon chutait un soleil noir.
Brusquement, paraissait un visage blafard Aux lèvres distordues, au pernicieux regard Qui lui chuchotait lentement l'abject serment « Je viendrai te chercher quand viendra le moment ».
Or, un jour, au musée, au détour d'une allée, S'imposa un tableau à son âme envoûtée Où elle retrouva l'étrange paysage, La tombe vacante près d'un terne rivage
Et la même figure au pied d'un grand cyprès Qui la fixait fiévreux avec tant d'acuité, Son doigt lui indiquait au bas la signature Où elle reconnut sa gracieuse écriture.
Elle avait égaré au fond de sa mémoire Un amour sacrifié pour atteindre la gloire Et le pacte signé qui lui accorderait L'éternité que convoitait sa vanité,
Les années filèrent, l'oeuvre fut oubliée, Encore suspendue au funeste gibet, Dans cette galerie où l'ennui triomphait, Où tout lui rappelait sa trahison passée,
C'est alors qu'elle entendit la voix redoutée Qui envahit les lieux comme un ras-de-marée, Disparurent soudain la toile et ses secrets, Elle était dans le trou que la terre comblait.