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Giovanni BENINI

Le syndrome de Cassandre

Cassandre, n’as-tu toujours pas compris,
Les pierres sont aveugles et muettes,
Pourquoi prophétiser les arbres gris,
Lacérés par la furie des tempêtes?
Pourquoi cherches-tu en vain ton écho
Dont les lèvres cousues de tant d’épines
S’étranglent à arracher quelques mots
Qui vont s’évanouir dans les ravines ?
Tu es née dans la foudre des passions
Dans l’atroce enfer des fascinations,
Combien d’éphèbes as-tu consumés
Dans le désespoir d’aimer ta beauté ?
N’as-tu point ensorcelé Appolon
Et reçu le don de divination ?
Sans que jamais, pour ton plus grand malheur,
Tu ne lui cèdes la moindre faveur.
Mais les Dieux sont plus cruels que les hommes,
Ils ont l’éternité pour se venger,
Ton nom n’évoque plus que le syndrome
De ces devins à l’obscure pensée.
Car toi, tu les voyais ces sorts funestes
Car toi, tu prédisais la vérité,
Dans le miroir des nuits, tu les voyais ;
La mort qui chevauchait avec la peste !
Personne donc ne croyait en tes dons
Et tous se détournaient de tes visions
Qui t’effrayaient tant que terrorisée
Tu chancelais, devenant la risée.
Mais ta prédiction s’est réalisée,
Errante dans Troie toute dévastée
C’est aux rochers que tu cries ton horreur
De n’avoir su convaincre tes consoeurs
Et tous ces cadavres amoncelés
Qui en poussières vont se disperser
Puis, à travers les siècles transporter
Les larmes de leur incrédulité.
Car en ces années apocalyptiques,
Parmi ces foules de neurasthéniques,
Ces faux prêcheurs, ces vains bonimenteurs
Ces singes hurlants et ces arnaqueurs,
Il en est qui sans aucune illusion
Vont partout propager leur conviction
Que ce monde en convulsion est damné
S’il ne s’écarte pas de son trajet.
Quel Appolon ont-ils donc offensé
Qu’aucun humain ne leur prête intérêt ?
Vont-ils prophétiser les arbres gris
Déchiquetés par ces fous en sursis ?
Et bien Cassandre, tu l'avais compris
Les pierres sont aveugles et muettes
Et dans le miroir de mes longues nuits
Ton visage se noie dans les tempêtes.