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Giovanni BENINI

Le ministre de la peur

Pendant qu’il sermonnait devant l’autel de Dieu
Les paroissiens troublés le regardaient anxieux,
Un voile noir discret dissimulait ses traits
On pouvait seul y voir des lèvres qui bougeaient.
Un vent de panique parcourut les rangées
Quand retentit la cloche, ce fut la curée,
Quelques vieilles bigotes toujours à l’affût
Epiaient avidement la fin de ce raffut.
Et tentèrent en vain de percer le secret
Qui semblait affliger le ministre prostré.

Chacun y alla donc de son avis fielleux
C’est un mal mystérieux qui rongeait le vicieux
Un terrible crime qui l’avait terrassé
Et les parents suspects surveillaient leur puiné,
D’autres l’avaient surpris dans le vieux cimetière
Invoquant le grand bouc et d’affreuses sorcières,
Avait-il célébré d’incestueux mariages
Entre des morts-vivants assoiffés d’héritage ?

La pauvre chapelle fut bientôt délaissée
Y siégeaient un aveugle et quelques malandrins
Qui aidaient le pasteur à partager ses biens
Jusqu’à lui emprunter sa propre fiancée
On le voyait errer les épaules voutées,
Spectre pitoyable à la crêpe redoutée,
Le village attendait le jour de sa passions
Non par curiosité mais commisération.

Et vint cette heure suprême , autour de son lit,
Se tenait l’assemblée récitant l’hallali
Quand des doigts avides voulurent arracher
Ce tissu ténébreux pour l’en débarrasser,
Le moribond furieux se dressa en clameur :
« N’avez vous rien compris de votre grand malheur,
Si je porte ce masque, c’est qu’il vous est commun,
Vous en êtes couverts mais point ne le voyez,
Il cache tant d’horreurs et tant de vils péchés
Qu’ils vous imprègnent tous comme un mauvais parfum.
Dorénavant, à chaque soir, il paraîtra,
Dans votre beau miroir, il sera ce reflet
De votre corruption et votre vanité ! ».
Ce fut son dernier blâme enfin il expira.

Etranger si un jour à Milford vous passez,
Jamais vous n’y verrez un seul de ces miroirs
Et si les habitants ont tous les yeux baissés
C’est de peur de se voir dans les autres regards.