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Giovanni BENINI

La république des morts-vivants


La république des morts- vivants

On grogne dans les cimetières,
Les résidents sont en colère,
Tous les fossoyeurs sont en grève,
Leur syndicat brandit le glaive 
Depuis qu’un apprenti-piocheur
A basculé dans un fossé
Alors que ce n’était plus l’heure,
Qu’il était en congé-payé !
Tout est laissé à l’abandon,
C’est le royaume des chardons.

Alors un soir de pleine-lune,
De leur sépulcre, ils sont sortis,
Sous un tilleul, se sont assis
Pour évoquer leur infortune.
L’air empestait de chairs putrides,
Les nuages fuyaient, livides,
Les pipistrelles s’engouffraient
Dans la caverne des sorciers.
Les culs terreux furent d’accord,
Ils devaient gérer leur décor,
Terrasser, sarcler, embellir,
Leur domaine aux mille soupirs,
S’organiser en république
Avec un code juridique.
Aux injonctions égalitaires
Afin que nul ne soit en guerre.

Les débuts furent besogneux,
L’accueil des vivants, laborieux,
Nos pauvres morts en rébellion
Etaient traités tels des souillons.
On les avaient claquemurés,
Eux, qui ne mangeaient que la terre,
On les avaient tant humiliés,
Eux qui ne savaient que se taire.
Mais ils devinrent trop nombreux
Avec de nouveaux arrivants,
Il fallait trouver une astuce
Pour empêcher qu’ils prolifèrent,
Il fallait modifier leurs us
Pour qu’ils ne soient majoritaires.

On les rendit tous carnivores
Avec le soutien des séniors,
On leur apporta tous les jours
Des mets choisis avec amour,
Des viandes fermes, ruisselantes,
Des bouts de chairs sanguinolentes
Qui venaient flatter leur palais
Pour les laisser en fin en paix.

Et depuis lors, c’est un miracle,
Tout est au mieux, quel beau spectacle!
Car la courbe démographique
Prend une forme bénéfique,
Il n’y a plus chez les vivants
Des gens de plus de soixante ans,
Quant à ces répugnants zombis
L’obésité les abrutit !
Quand ils auront tout dévoré,
Ils devront tous se résigner
De manger ou être mangé,
Impuissants à se révolter !