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Giovanni BENINI

La raison démente

« Les monstres naissent du sommeil de la raison»
Puissante assertion qui orne le frontispice
Des eaux-fortes glauques, appelés « Les caprices ».
Hélàs, Goya, je n’ai guère ton opinion.
A Wansee, on planifia l’horreur sans délire,
Ils n’étaient ni sorciers, ni goules, ni vampires,
Juste fonctionnaires gérant avec logique
Les pesantes contraintes de la logistique.
Les fantômes de Nankin peuvent en témoigner,
Jamais massacre ne fut si bien orchestré.
Il faut bien convenir que souvent la raison
Fut l’aiguillon mortel de beaucoup d’oraisons.
IL serait erroné de blâmer la folie
De la rendre coupable de toute ineptie.
Guerres bactériologiques ou nucléaires,
Tortures raffinées dans les camps militaires,
Sont les fruits blets de savantes spéculations.
Sciences et techniques étreignent l’horizon,
Dirigent sans état d’âme la nef des fous
Qui sillonne les mers dans une errance amère.
On entend au loin le chant funèbre des loups,
Dans les eaux noires, on cherche un peu de lumière…

La raison a ses délires, dans son outrance,
Elle veut réduire la terre en peau de chagrin,
Abolir temps et espace, être seul destin,
Un Dieu omniscient, bouffi de condescendance,
Dont les prêtres zélés tels de piteux bouffons,
Continuent à clamer les vertus de son nom.
Ils ne voient pas, ô non ! Aveugles volontaires,
Les Parques menaçantes qui suivent leurs pas,
Ils ne voient pas, ô non ! Boiteux célibataires
Qu’ils vont vers ces marais où règne le trépas,
Ils entonnent l’hymne de la décréation,
Quand la raison s’affole et en perd sa raison,
Elle proclame alors de sa morgue si acide :
« Le premier jour, pesticide, fongicide,
La lumière décrut.
Et ce ne fut qu’un début.
Le deuxième jour, herbicide, insecticide,
La ténèbre fut.
Il y eut un début et une fin.
Le troisième jour, biocide, écocide,
La mort sourit.
Et il y eut la fin du début.
Le quatrième jour, ethnocide, génocide,
Le mal vainquit
Et il y eut le début de la fin.
Le jour suivant, matricide, fratricide
Plus d’interdit.
On y était donc enfin.
Le sixième jour, déicide,
Le destin s’accomplit,
Là, ce fut la fin.
Le septième jour…
Il n’y eut plus rien.