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Giovanni BENINI

La controverse des yellow stoned

En un siècle hébété où giclaient frénétiques
Des flots de sperme noir du ventre tellurique,
Ce lubrifiant précieux qu'émirent des fossiles
Se répandit visqueux dans de nombreuses villes.

S'il éclaira longtemps les nuits de Babylone,
S'il brunit les momies qu'ont remplacées les nones,
S'il brûla les vaisseaux des pieux mahométans
C'est en Dieu carburant qu'il conquit l'occident.

Des phalliques derricks de la Pennsylvanie,
Des ascensions d'Ariane en transit en Guyane,
Des pétroliers gerbeurs de fioul en avarie
Au bitume encensé sur les routes d'Espagne,

L'or noir s'est répandu sur tous les continents,
Les terres et les airs, les mers et océans,
Tel un Protée moderne au mille silhouettes,
Il s'immisce partout jusqu'au fond de nos couettes.

Il nourrit nos cheveux et il blanchit nos dents
Comme ses esclaves, on lui sourit gaiement,
C'est par le bas-nylon voire le chewing-gum
Qu'il incite Gaston a chausser son condom,

Dans le rouge à lèvre, dans les bougies flambantes,
Dans les shampoings gluants, les bigoudis navrants,
Le rideau de douche qui cache les amants,
L'aspirateur phtisique et la blouse béante,

Il est dans le vinyle où j'écoutais Woodstock,
Dans le papier gommé d'où s'envolaient nos rêves,
Dans les santiags frimeurs que l'on trouvait en stock
Quand on jouait au sauvage avant l'ultime trêve.

Mais comme tout idole aux caprices cruels,
Il faut à ce pétrole autant de sacrifices,
Chaque jour lui livre ses victimes rituelles,
Chaque jour lui offre la terre en grand supplice.

Le delta du Niger a un air de chiotte
Où viennent patauger des enfants faméliques,
Le bassin d'Alberta où planaient les hulottes
Est un désert baveux infesté de moustiques,

Des poisons invasifs intoxiquent le ciel
Qui accueille en un an trois millions d'anonymes,
Sur les plages rôties de ces chairs essentielles,
Les cancers frappent dur les bancs des synonymes,

La mer est endeuillée de ces noires marées
Et de ses poissons morts qui valsent en rangée
Elle si ulcérée que son acidité
Risque de s'emballer malgré l'austérité.

Quant au sol, ce n'est plus qu'une vaste poubelle
On viennent s'enlacer les déchets pêle-mêle
Où l'on creuse, insensés comme des taupes folles,
Des galeries sans fin en buvant de l'haldol.

Dès lors, jaunes gilets, perruches de Poujade,
Tous accrocs au diesel qu'il vous faut tant sniffer,
Alors que vous savez malgré vos galéjades
Que l'enfer est enflé jusqu'à la diarrhée.

Prenez-soin des gilets, de leurs nombreux usages
Quand viendront des torrents de boue vous cajoler,
Quand l'ouragan puissant dans d'atroces ravages
Humiliera la terre que vous avez damnée.

Qui sait si en coulant dans vos fluorescents
Vous ne verrez au loin une arche de Noé ?
Espérant recevoir la dernière bouée,
Vous entendrez la voix aux lugubres accents
Tonner dans le chaos du grand chambardement :
« Après moi le déluge, ainsi vous le vouliez,
Il est venu plus tôt, vous m'en voyez navré ».