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Giovanni BENINI

Bal en pleine mer

Au bal des naufragés et des serpents de mer
La mort s’est invitée sur son radeau d’hiver,
Les hublots terrifiés se sont terrés d’abord,
Là haut, les sirènes mugissent vers l’aurore.

« Quand nous verrons les flammes vertes
Jaillir du château des Carpathes
Vous mettrez vos rouges gourmettes
Comme vos lèvres écarlates ».
Ainsi susurrait-il L’Arsène
De sa jolie voix de velours
A Diane aux beaux yeux de verveine
Qui languissait d’un tel amour.

L’écume voletait en flocons de coton,
Eventails et melons paradaient sur le pont
« Henriette, avez-vous dit ? Retirez votre voile,
Une telle splendeur fait rougir les étoiles ! ».

Ah! ces oaristys qui ravissent les dames
Seront éparpillées par les terribles lames,
Lanternes, cotillons volaient en papillon
Mais les vents insidieux appelaient le typhon.

« Nous fêterons la chandeleur
Sur les hauts remparts d’Elseneur,
Des sommeliers en porcelaine
Verseront des vins de Bohème,
Quelques bateleurs d’Arabie
Charmeront nos douces folies »
Ainsi susurrait-il L’Arsène
En lissant sa moustache en veine.

Las, le vaisseau s’est fracassé sur un brisant,
L’amiral avait pris un très mauvais tournant,
Sur les eaux titubaient sa bible et ses gants blancs
Un flacon de vieux rhum, des faux cils clignotants.

Violons et tubas toussent dans la tempête,
Les invités masqués ont égaré leur tête,
Au Baccara huppé, seuls les requins prospèrent,
Des poulpes maquillés pelotent les mégères.

L’Arsène n’aura rien volé
Dans la croisière des noyés,
Il a perdu son oeil de verre,
Son monocle et sa boutonnière,
Il cueillera des anémones,
Des algues bleues pour les gloutonnes,
Diane, la fauve chasseresse
Lutine avec des SOS.

Au bal des engloutis, les perruques s’affolent
La mort danse la guinche et fait la farandole
Quand viendront les pilleurs alléger les bretelles,
Grisards et goélands enlaceront le ciel.