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Giovanni BENINI

L'impossible retour

De siècles en siècles, nous revenions de loin
Dans toutes ces traces, nous cherchions le chemin,
Celui qui nous ramènerait enfin chez nous,
Dans ces collines bleues où tanguaient les bambous.
Des grisards engourdis prés des barques échouées
Gémissaient longuement vers la mer tourmentée,
Des enfants accouraient dans le sable futile,
Ils nous ignoraient comme un passé inutile,
On voulait les toucher mais ils nous échappaient
On voulait leur parler, jamais ils n' écoutaient,
Et puis, ils s'éloignaient comme notre jeunesse
Que nous avions perdues dans nos vaines ivresses.
Quelques pêcheurs taiseux ravaudaient leurs filets,
Ils semblaient nous sentir mais ne nous voyaient pas.
Des chiens errants hurlaient quand nos ombres passaient,
N'étions-nous qu'illusion que la peur engendra ?

On avait vu les baleines agoniser
Sur les plages cendrées où brulaient des ordures,
On avait entendu les lamentins pleurer
Dans les vagues souillées de carcasses impures.
Etions-nous la légion des exterminateurs ?

Des maisons fatiguées aux fenêtres ouvertes
Attendaient patiemment que l'aurore soit verte,
Les femmes s'affairaient plus vite que les heures,
Elles cueillaient ces fleurs aux parfums de soleil,
Dans des bocaux luisants, elles versaient du miel,
Puis brodaient en silence un rêve d'arc-en-ciel
Pour un autre avenir, pour un nouvel éveil.
Des filles aux yeux d'amande attisaient le feu,
D'autres, ensorcelées, embrassaient les étoiles,
Des jeunes vigoureux allaient hisser les voiles
Pour affronter les vents au moment périlleux,
Ils vivaient, ils mouraient sous les sombres cyprès,
Ils souffraient, ils chantaient sous les cieux éternels,
Ils s'accouplaient joyeux quand passait l'hirondelle,
S'endormaient sous la terre à la fin de l'été.

Puissent-ils être heureux ainsi que l'éphémère,
Puissent-ils être heureux de partir en poussière.

De siècles en siècles, nous revenions de loin,
Dans toutes ces traces, nous cherchions le chemin,
Des enfants effaçaient l'empreinte de nos pas,
On voulait les toucher, ils ne nous voyaient pas
Comme des fantômes qui espèrent sans fin
Pouvoir ressusciter leur funeste destin.