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Giovanni BENINI

Jacques, charpentier du Pré Vert

Le charpentier, c'était bien le dernier,
A mis son manteau de forêts
Et est parti sur les routes noires d'Afrique,
Les ifs aux cornes luisantes
Et les cyprès échevelés l'accompagnaient.
Il s'était coiffé de feuilles de bananier,
Une écharpe de boa rampait sur ses épaules
Et des pantalons aux pattes de pachyderme
Lambinaient dans la gadoue.
Aux coccinelles pigmentées d'éclats de nuit,
Il racontait la légende du machaon
Amoureux d'un piano aux gammes tempérées
Qui martelait à chaque battement d'aile.
Lorsqu'il croisait un village
Où solfiaient des éléphants,
On voyait les enfants accourir,
Les yeux remplis des rêves
Des hiboux et des panthères,
Les mains couvertes
De l'haleine de l'aurore.
Quand bondit le chien andalou,
A l'oeil rasé de prés,
Il ne prit pas ses jambes à son cou
Mais lui jeta quelques fourmis
Qui, dans ses paumes, faisaient leur nid.
Jamais il ne se retournait
Pour regarder son passé,
Jamais il ne se hâtait
Pour dépasser son lendemain
Et si parfois il s'asseyait,
C 'était pour écouter
La course essoufflée du temps,
Les larmes aveugles des racines,
Le chuchotis des faisceaux lunaires.
Tout en suivant le pas d'une rivière
Où poussaient des gouvernails gris
Du lierres et des pendules en osier,
Le charpentier qui était bien le dernier,
Trouva une clairière blanche,
La salua
Et, d'un grand coup de pied,
Construisit
Une arche dans un harmonica.