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Ghislaine RENARD

Au Roy d'Espagne, soir de pluie

Les flammes dansent
Vives et légères,
Puis caressantes, enrobent
Et lèchent les bûches.
Leur reflet dans la vitre
Embrase le dos d’un buveur attablé.
Du plafond, la cheminée s’élance,
S’évase et les protège,
Ourlée d’une dentelle d’écussons.
Profusion de bois chaud
Tâché de globes jaunâtres
Où la lumière parcimonieuse
Rend aux jeunes flammes joyeuses
Toute l’ardeur
De leur souplesse ondulante.
Symbolique du feu
Intime et fascinant
Chaleur rayonnante
Que les parois de verre
Ne peuvent emprisonner.
Il s’évade,
Déborde du socle de briques,
Projette le regard
Vers l’escalier, la balustrade.
Montez la garde, messieurs,
Au bas de l’escalier.
Ne taquinez pas le doux cheval superbe et sourd
Que j’aurais tant aimé l’œil vif
Alerte, chevauchant la prairie.
Sa robe luit sous les lampes minuscules
Mi-captives d’un rond panier d’osier,
Montgolfière improvisée
Sous les grappes diaphanes, aériennes
De vessies transparentes.
Montez la garde
Pour ces pantins de cuivre et d’étoffe
Suspendus
Superbement indifférents
Au brouhaha des « parler » de toutes langues.
L’oreille aux aguets
Chercherait en vain
Le crépitement des flammes
Prisonnier sous les vitres.
Légère frustration d’un régal
De l’oreille, du palais et des yeux.

Juillet 1988.
Au Roy d’Espagne, sur la Grand-Place de Bruxelles.
Extrait d'Au fil du temps