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Gérard FRETIER

Ferrat s'en est allé

Ferrat s’en est allé comme une fleur sur l’eau
Et le fracas que fait un poète qui meurt
A jeté dans la rue un torrent de sanglots.
J’ai pris un coup de vieux sous ce Printemps frimeur
Et reste avec mon givre à compter les étoiles
Brisé contre le gris d’une mauvaise toile.

L’injustice princière a mis sa belle robe
Diamant de complaisance un peu langue de bois.
Tous les loups sont dehors mon rêve se dérobe
La lumière vacille il fait encore froid…
Que vaut le mot combat ? Une petite ligne
Dans un journal sans Ame où danse un dernier cygne.

Ferrat s’en est allé mon idole ma vie
Qui osera parler des terribles mouroirs
Qui perforent la vie en guise de bonsoir ?
Ferrat s’en est allé reste mon utopie.

Sous la nuit de brouillard quelques bateaux en rade
Reflet du souvenir viennent mouiller leurs ancres.
Passé qui vous dérange et qui fait tâche d’encre
A force de chanter notre Terre malade.

Ferrat s’en est allé que serai- je sans lui
Qui vint à ma rencontre ? Un tout petit frisson.
Il m’a donné des mots pour faire chaque nuit
De mes balbutiements de nouvelles moissons.
Dorénavant je sais que malgré mon air triste
Mes jours s’accorderont à mon cœur cithariste.

Ferrat s’en est allé. Le sang de la Colombe
Ensanglante un recueil que je voulais finir
Avant le crépuscule. Une averse qui tombe
Blesse mon espérance et zèbre l’avenir.
Le fouet est de nouveau dans les mains du bourreau
Et l’on perçoit des cris derrière les barreaux.

Plus facile aujourd’hui de piétiner la Paix
Plus facile aujourd’hui d’encenser le mot guerre.
L’année le jour et l’heure ont du mal à jeter
Une poudre d’Amour sur autant de misère.

Passent les noirs corbeaux le poème est en feu.
Signe vite l’ami signe ton désaveu
Pour que naisse plus loin la douceur d’une rive
Qu’entre deux éclairs blancs sa beauté me poursuive.

Ferrat s’en est allé comme une fleur sur l’eau
Le silence du jour me paraît indécent.
Et si vivre n’était qu’un village en lambeaux
Où les wagons plombés «d’ils étaient vingt et cent »
Ne laissaient à l’espoir que ce cri poétique.

Peut être qu’après tout viendront d’autres musiques
Un demain de bleuets de roses d’azalées.
Et dans le grand bouquet de ces joies retrouvées
A l’endroit où le ciel s’est remis à rêver
Ferrat viendra rejoindre au cri d’Atacama
Le vol des grands oiseaux qui fêtent Neruda.