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Georges ORFILA

Mois de Mai

Aux premiers Mai de nos vingt ans
Dans les rues de Valence tu défilais, altière,
Aux côtés des « camarades » tu serrais les rangs,
Écharpe rouge, muguet à la boutonnière.
Le communisme était ta religion
Le syndicat CGT ton église,
Peu de place pour moi, jeune trublion,
Tu n'aimais pas qu'on te contredise.
Tu étais de tous les meetings,
Ceux de Jacques Duclos ou de Georges Marchais
Qui, comme des boxeurs sur un ring
Débitaient pendant des heures leurs « amabilités ».
Ils promettaient un monde meilleur
Moins de travail, plus de loisirs,
Ils préconisaient déjà les trente cinq heures
Prenant pour des réalités leurs désirs.
Les défilés étaient parfois très chauds
Mai soixante huit en ligne de mire,
On en était encore au métro, boulot, dodo,
Plus pour longtemps d'après leurs dires.
Puis leurs propres usines ils ont dévasté
Pour se venger de l'esclavagisme patronal.
Ils se sont trop souvent auto mutilés,
Panhard et Simca resteront dans les annales.
Depuis les choses ont bien changé.
Les syndicats n'enchantent plus personne
Des milliers d'usines ont fermé
Et dans nos oreilles raisonne
Ce vilain mot de mondialisation,
Jetant sur le pavé des millions d'ouvriers
Sans compensation, sans justification,
A pôle emploi ils vont pointer.
Sans trop d'espoir, faut pas rêver.
La Chine est là qui nous approvisionne
En produits extrêmement bon marché.
Pendant ce temps en France on additionne
Les ventes d'entreprises à prix bradés.
Les nouveaux pauvres sur le trottoir,
Dans les rues des chômeurs par milliers,
Les riches choisissent l'exil à l'abattoir,
La Russie, l'Angleterre ou la Belgique
Les accueille sans barguigner.
Cinquante ans de lutte idéologique
Pour finalement se résigner !
Te ton côté tu as toi aussi beaucoup évolué,
De l'écharpe rouge tu t'es finalement débarrassée,
Le monde syndical t'es devenu totalement étranger,
Le communisme, tu l'as définitivement enterré.
Tous les sujets peuvent maintenant être abordés.
Tu es capable de reconnaître tes torts !
Ton trublion n'avais pas que de mauvaises pensées.
Tu en a enfin pris conscience et fais beaucoup d'efforts
Pour regarder la situation en face,
Te lamenter de certaines turpitudes syndicales,
Des coups de gueule et des volte faces,
Des gesticulations et des postures radicales
Qui nous ont finalement amené au bord de l'abîme.
Nos conversations sont maintenant bien moins animées.
Tu es devenue tolérante et beaucoup plus magnanime
Que tu ne l'étais en ces lointains et jolis mois de Mai.