Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Geneviève DE TERNANT

Journée de marche

Tôt levée, au petit matin,
à mon ombre j'ai dit: "Passez devant, ma belle."
Elle allait en dansant, de son pas élastique,
Et je la suivais d'un bon train.
Je la morigénais: "Vous allez bien trop vite;
Vous serez fatiguée après peu de chemin!"
Elle allait, longue et fine,
En butinant les bas-côtés,
Et même se penchant sur les bords des fossés.
Nous allâmes ainsi, le soleil chauffait dur.
Mon ombre, bien plus sage,
Essuyait son front moite, à mon image.
Elle ne sautait plus.
Même, rétrécissait comme peau de chagrin,
Et, rivée à mon pied, paraissait bien petite.
"Ah! dis-je à mon ombre, taquine,
Vous voici sage et ne faites plus la maligne!"
Soudain, une fontaine, ivre de son plein d'eau,
Et riant comme folle, attire, et je vais boire
Oubliant ma compagne, fidèle jusque là.
Quand je me redressais pour me remettre en marche,
Je cherchais ma commère: elle avait fuit!
J'étais là, comme un I sans accompagnement.
Je me remis en marche, triste! Il faisait si chaud...
Je marchais, cependant et le jour avançait.
Midi se trouvait loin derrière,
Au pied de la fontaine où l'ombre était partie.
Mais voici que, me retournant,
Je la vis minuscule encore
Qui me suivait sans bruit.
"Ah! vous voila, lui dis-je, vous voyez bien
Qu'il est inconvenant de me quitter ainsi!
Que vous avais-je fait, ma belle?
Elle ne répondit pas un mot, pas un cri!
Mais elle me suivit, et, au fil de mes pas,
Elle reprit, sinon du poids,
Du moins de l'étendue, et lorsque le soir vint,
Elle avait retrouvé sa finesse première,
Et sa longueur; mais elle était toujours derrière.
Il était temps, vraiment de trouver le repos.
Prés de mon corps fourbu, mon ombre s'est lovée.
Cela avait été une rude journée!