Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

François Olègue

Un jour, quand j’avais à peu près seize ans...

Un jour, quand j’avais à peu près seize ans,
une fille inconnue, qui en avait à peu près vingt-deux,
m’apprit que je ressemblais trait pour trait
à un porc-épic.
C’était dans un petit bar somnolent,
juste en face de la mer,
où tout seul, accoudé au comptoir,
je buvais, à même la bouteille, du coca-cola.
Elle était jolie, cette fille inconnue
qui venait de surgir devant moi ;
elle portait un short hardiment échancré,
et sa chemisette modelait le contour pointu de ses seins.
Elle me regarda d’un drôle d’air
et dit sans aucun préambule :
« Tiens... un vrai porc-épic ! »
Puis, comme je me taisais,
elle se mit à rire en voyant la bouteille de coca-cola
qui s’était soudain arrêtée à mi-chemin de ma bouche :
« Un porc-épic en position de combat ! »
J’avais les cheveux très lisses,
ma main droite les remettait en place
chaque fois qu’ils étaient hérissés par le vent ;
ma physionomie ne rappelait pas non plus
le museau de la pauvre bête
que je n’avais vue, dans ma vie réelle, qu’au zoo,
et pourtant la fille dégourdie croyait
que j’en étais le portrait tout craché.
Ce jour-là, je n’ai pas compris
où elle voulait en venir :
cherchait-elle à m’impatienter,
m’offrait-elle ses faveurs
ou bien son humeur était-elle aigrie par quelque malaise féminin ?
Je n’ai rien compris, ce jour-là...
Et maintenant,
mon âge d’or révolu,
je me mire dans la glace au sortir du bain
et je vois les piquants de méfiance, de dégoût, de mélancolie
parsemer mon corps : durs, aigus, menaçants...