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François Olègue

Depuis que je porte une couronne métallique...

Depuis que je porte une couronne métallique
ici, dans le coin gauche de ma bouche,
on ne peut plus douter de ma ressemblance
avec le bûcheron en fer blanc.
Il craignait que son cœur ne fût de satin
(et son cœur l’était en effet) ;
moi, je crains que le mien ne s’arrête avant l’heure.
En ce sens, nous sommes presque égaux :
le bûcheron en fer blanc fait usage de sa hache
afin de prouver sa nature humaine ;
désireux de laisser des preuves de mon existence,
ne serait-ce que sur le papier qui ne rougit pas de honte,
je brandis mon stylo,
mais ce qui nous pousse à agir, tous les deux,
c’est la peur que nous éprouvons jour par jour,
la peur d’être mésestimés, méprisés, rejetés,
la peur de ne pas réussir nos missions
et d’en être punis dans cette vie ou dans l’au-delà.
D’autre part, il existe un détail qui nous différencie
et que je lui envie en secret :
le bûcheron est connu de tous les enfants du monde,
lesquels, une fois adultes, le garderont en mémoire ;
quant à moi, je ne suis qu’un nom si commun
que personne ne se donne la peine de le retenir,
une fourmi pourvue de deux pieds.
Même si toute sa cuirasse à lui se couvre de rouille,
si son cœur ne bat plus, rongé par des mites,
il y aura certainement quelqu’un sur la terre
qui s’en souviendra et, de cette façon, le rendra immortel.
Et moi-même, qu’est-ce que je deviendrai,
quand la mort sera venue m’inviter à son souper amical
et que je n’aurai pas su décliner son invitation ?
C’est pourquoi je griffonne maintenant
ces idées décousues sur cette feuille de papier
dont mes yeux larmoyants ne supportent pas la blancheur ;
c’est pourquoi j’écris, moi, comme on se sert d’une hache !
Tout ce qui me reste au fond
c’est ma peur de l’oubli épanchée sur des pages vierges :
je n’ai plus d’arguments ni de phrases polies
qui puissent en tenir la place,
car le jour où ma première dent s’est cassée
j’ai appris la seule vérité qu’on apprend de gré ou de force –
celle de la brièveté du moment qui s’évanouit,
celle de la finitude.