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Francis LEDER

Les équidés qui parlent de liberté

Un gracieux cheval battait la campagne
Avec ses amis l’âne et le poney
Lorsqu’ils croisèrent un zèbre bien gai ;
« Holà, bel ami, sors-tu donc du bagne,
Ainsi vêtu ? » dirent-ils dans un rire.
« D’où vient ce costume, ce pyjama ?
Un tel accoutrement à nul ne va !
T’es-tu échappé de prison ? ou pire ? »
« Absolument pas, depuis ma naissance
Telle est ma couleur, mes braves amis,
Et je jalouse votre teint uni,
Ce si grand bonheur, cette immense chance !
Mais dites-moi donc, vous dont la parole
Prise si fort l’idée de liberté,
Vous n’avez pas matière à vous vanter !
Hein, toi, l’âne, qui tire des carrioles
A longueur de jour, de mois et d’année
Quand ce n’est un bât, qui, toujours trop lourd,
Te brise le dos. Quant à toi, le labour
Cheval, est-il la cause des saignées
Qui rougissent ton col ? Et tous tes autres
Frères, qui meurent sous leurs cavaliers
Au combat qui tue tant de destriers,
La cause des soldats est-elle vôtre ?
Et toi, mon petit poney, tu les aimes
Tous ces morveux qui te battent les flancs
Et tirent ta crinière ? Doux enfants !
Est-ce là ta vision du bonheur-même ?
Pour ma part, au grand air, je vis tout comme
Je veux. Je vais partout, le nez au vent.
Vous parlez de liberté en savants,
Mais vous êtes au service des hommes !
Je préfère aller en habit de peine
Et n’être d’aucun le vil obligé
Plutôt qu’aux regards pouvoir exposer
Un poil bien uni, mais couvert de chaines ! »