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Francis LEDER

Le retour du héros

Tu rentres au foyer dans un manteau de gloire
Au terme d'une guerre qui t'as pris vingt ans
Auréolé d'honneur, le prix de tes victoires.

Te voilà de retour, plein de boue et de sang,
Semblable aux grands héros de nos livres d'histoire
Te voici leur égal, invaincu conquérant.

Tu es ici chez toi, prends donc un peu tes aises ;
Ces garçons sont tes fils, ne les connais-tu pas ?
Tu as tant à nous dire, mieux vaut que je me taise.

Laisse-moi t'admirer, te serrer dans mes bras,
Approche enfin de l'âtre où la douceur des braises
T'attend depuis longtemps et te réchauffera.

Il est vrai que tu vis partout assez de flammes
Pour n'être pas tenté par la chaleur du feu ;
Ton corps doit être froid, sans parler de ton âme.

Il n'y a plus d'amour dans le fond de tes yeux,
Je n'y vois que tambours, drapeaux et oriflammes
Troupeaux de chevaux noirs et armes d'acier bleu.

Ton visage est marqué du souffle des batailles
Et ton regard qui fut entre tous le plus doux
Est froid comme la mort et couleur de rocaille.

Tu t'es très bien battu et pour mourir debout
Tu fis tout ce qu'il faut, ignorant la mitraille
Oubliant ta maison et ton métier et nous.

Tu es vaillant, c'est bien, mais tenir la famille
Est aussi méritant et sans homme au foyer
J'ai dû couper du bois comme tirer l'aiguille ;

élever tes gaillards, leur donner à manger,
Tu ne sais même pas comment je les habille
Et de quelle façon j'ai pu les éduquer.

J'ai pleuré ton départ, je guettais les nouvelles ;
Tu sais combien je t'aime, eh bien, je t'ai maudit
D'avoir pu préférer la patrie à ta belle.

Je sais très bien qu'il faut défendre le pays,
Mais je ne rêvais pas de grandeur éternelle,
J'eusse bien mieux aimé l'odeur de mon mari.

Allons donc, se peut-il qu'à présent tu grelottes ?
Tiens, prends cette eau-de-vie, tu n'as encore rien bu.
Allez, cale-toi bien, que je tire tes bottes.

Sûrement qu'en enfer, ils ne t'ont pas voulu.
Mon général, mon homme, à présent tu sanglotes,
Pourras-tu oublier tout ce que tu as vu ?

S'en est vraiment fini des rêves de conquête
Qui donnent des visions de mourants mutilés
Traînant dans la gadoue parmi les baïonnettes.