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Francis LEDER

Le chateau de cartes

Par une après-midi de repos et vacance,
Un père et ses deux fils demeuraient au salon.
Sans contrainte aucune et selon ses préférences,
Chacun d’eux s’adonnait à ses occupations.
Le fils ainé était un passionné d’histoire
Particulièrement, les empereurs romains
Leur fine politique et leurs hauts faits de gloire,
Rien ne l’enthousiasmait comme lire Rollin
Lenain de Tillemont, César et Suétone.
Le cadet, pour sa part, aimait à s’exercer
À tous les jeux d’adresse, et c’est ce qui étonne
Car les petits enfants sont souvent agités…
Lui tentait d’installer un grand château de cartes.
Le père assis au chaud parcourait un journal.
Posant un temps son livre qui parlait des parthes,
L’ainé vint vers son père et plein d’amour filial
Posa une question presque philosophique :
« D’où vient, demanda-t-il, que certains empereurs
Par certains historiens et par quelques critiques,
Sont nommés conquérants et d’autres fondateurs ? »
Cette question était de grande pertinence ;
Pédagogue et précis, le père prit son temps
Pour choisir les bons mots et répondre avec science.
L’interrompant soudain, le cadet des enfants
Posa l’ultime carte achevant son ouvrage
Et d’un grand cri de joie, il couronna le fait !
Le père admiratif, fier, et bien davantage,
Se leva tout de go pour le féliciter.
Le grand frère eut alors un geste de colère,
Car son père à l’instant, ne pensait plus à lui.
Il ébranla la table et fit tomber à terre
Le château qui, ainsi, fut aussitôt détruit !
« L’exemple est excellent, dit promptement le père,
Vous illustrez les rôles, très typiquement :
Voici un fondateur, là, je nomme ton frère,
Et toi, tu t’es conduit tout comme un conquérant ! »