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Francis LEDER

L'âne, le bardot et le mulet

Un âne, un bardot et un mulet, trois amis,
Paissaient ensemble, et cette aimable compagnie
Échangeait gentiment différents points de vue
Sur les races, leurs avantages et vertus,
Mais il n’y avait point unité de pensée :
Le mulet prétendait, non sans quelque fierté
« Je suis le fils d’une jument ». « Moi, un cheval
Est mon père, dit le bardot, quoiqu’amicale
Soit notre tendre affection, nous pouvons bien le dire
Nous sommes presque nobles, et ce n’est pas trahir
Un secret que de reconnaitre qu’un baudet,
Un âne, ne descend pas de noble lignée ! »

L’âne répondit : « presque nobles, dites-vous ?
Mais a-t-on jamais vu, en figure de proue
La tête d’un bardot, ou alors en symbole
D’armoirie ? Et met-on des fleurs à vos licols,
Comme les hommes font à leurs chevaux parfois
Lorsqu’ils pavoisent tout, pour leurs grands jours de joie ?
Vous savez bien que non… Pourquoi trouver misère
À n’être pas traités autrement que ses pairs ?
Ne travestissez pas la race dont vous êtes ;
Vous n’êtes pas chevaux, c’est là un simple fait !
Depuis toujours, les hommes vous voient en bâtards
Et moi, sincèrement, je n’y vois nulle tare.

Pour ma part je suis âne et nulle autre cavale,
Qu’on vienne à se tromper, je le prendrais fort mal !
Il n’est pas là question de souhait ni de vouloir,
On est tel que l’on naît, et vous pouvez m’en croire,
Le bonheur qu’on y trouve est en tout point pareil
À celui des chevaux. » Qu’on soit homme ou abeille,
Anguille ou chimpanzé, couleuvre ou grue cendrée,
Tout ce qu’a dit cet âne est une vérité.