Mes quatre grands-parents de bien loin sont venus Trouver un peu de paix sous le doux ciel de France ; Ils voulaient être juifs sans craindre les offenses, Ils fuirent les pogroms en rêvant d’inconnu.
Durant quelques années, ils y furent heureux ; Ce paradis des droits conforme à leurs beaux rêves Leur offrit dans la fuite un peu plus qu’une trêve Mais quand souffle le vent, les gaulois sont frileux...
Bassesse et vilenie régnaient sur le pays Certains furent salauds, plus nombreux que l’on pense. Et l’on crut pour longtemps l’espoir anéanti En entendant les loups avancer en cadence.
Pour défendre à tout prix leur idée de Nation, Des bandits en quatre ans tracèrent un drame sombre, Mettant à la grandeur menottes et bâillon. Pour les miens vint le temps de se terrer dans l’ombre.
La guerre enfin finit et, hors les déportés, Au bout du cauchemar, on eut la délivrance. La vraie démocratie à nouveau put régner Après ce long moment de peur et de souffrance.
Je me targue aujourd’hui d’être un parfait français : Observant mes devoirs, aimant la République, Prenant de l’intérêt à la vie politique, Mais je connais l’histoire et j’en sais les abcès.
Les grands mots ont beau être gravés aux frontons ; Les lois sont une chose, une autre en est l’usage... Demandez donc aux juifs, ou bien aux francs-maçons. Combien le Droit est dur dès qu’il échappe aux sages.
Vous, mes concitoyens, soyez toujours prudents, Le passé nous le dit, ma mémoire est sans faille, Le risque n’est pas grand, mais il est permanent : Le pouvoir est parfois saisi par des canailles.
