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Daniel HEïKALO

Cette Rue

Cette rue souffre de lampadairite aigue
Et ses pôteaux sont insolvables
L'égoût qui s'y trouve transporte
Des rêves abandonnés
Des détritus de douanier
Ses trous d'homme sont sertis de cailloux aigus
Les femmes qu'on y rencontre portent
Des diadèmes de cobalt et d'hématite
Et des huiles soyeuses
Sur la peau de leurs seins
Les fous qui y vagissent sans repos
Y font grincer des couvercles d'amphores
Il n'est pas rare d'y croiser
Des pucelles des neiges
Jouant au bilboquet ou au cerceau
Chantonnant des airs périmés
Tombés en désuétude
Il y pleut plus souvent qu'ailleurs
Les félins qu'on y croise ont le pelage tigré
Des chats servallins qu'on empaille par vanité
De chasseur fou des foires champêtres
Les addresses y sont peintes le plus souvent
Sur des feuilles d'asclépiades séchées
Les lampions que l'ont voit aux fenêtres émettent
Des odeurs lubriques de chambres clandestines
Les salves d'un canon encore introuvable
Y résonnent parfois l’automne vers midi
Entre deux soupirs de sirène usée
Le craquement de poûtres vermoulues s’y fait entendre
Parfois seulement en échos crépusculaires
Jadis, les tramways à air comprimée y grinçaient
En route vers les parfumeries nauséabondes et cloturées
Des élites parafinées sans goût et sans scrupule
Les sentinelles gardiennes du margrave dernier
S'y saluaient en route vers leur ronde
Autour de ses bunkers striés et abominables
Cette rue maudite souffre de boursoufflures à la mode
Et de traces de limaces égarées
Les ambitions de fonctionnaires obtus
Y ont laissé trop de blessures flagrantes
Et le gruau que l’on sert
Dans ses cafés vermoulus
Est couvert le plus souvent
Des ricanements à salpêtre
Des plagiaires à bitte molle
Mieux vaut toujours n’y mettre les pieds
Qu’avec prudence inouie
De sarcleur d’épinard armé
Du sourire épique du chiendent nain

Avril/Octobre 2001