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Constance BELMONTE

Un soir à peine d’octobre

Du chianti et une grappe de raisin à ma droite,
Six bougies devant, un arc de cercle incandescent
Venu remplacer une lune absente
Six flammes vacillent au rythme du jazz, dans le jardin

Une cigarette à la main, les doigts collants de sucre
Dont regorge ce raisin, sans raison,
Au loin les lumières d’une bourgade presque endormie,
Et Jérusalem au delà

Du henné sur les mains, autour de ma cheville,
Souvenirs éphémères d’un passage au Caire,
Hier en Afrique, aujourd’hui en Orient

Ici l’air est pur, l’espace trompeur, un semblant de Liberté
Cette vallée voisine aux replis clandestins
Que je devine la nuit tombée
Là-bas, oppressée, j’ai presque regretté
Le quotidien tristement prévisible de ma Palestine

La voix chaude et feutrée d’une femme
Pour moi seule chante, privilège que je me suis accordé
Dans le silence d’un jeune soir d’octobre

Loin de moi le bruit, l’agitation, la sueur,
Les ciels lourds de fumée,
Les mêlées humaines propres au Caire,
Ville légendaire au bord du gouffre,
Déjà déchue

Ma retraite ne durera qu’un soir,
Je me suis fabriquée une scène aux tons mordorés,
Théâtre de fortune

Jusqu’à ce que brûle la mèche de mes six bougies,
Coule la cire chaude sur mes doigts émoustillés,
Tombe la cendre de ma cigarette,
Me rassasie ce raisin sucré,
Se taise cette musique cuivrée

Une dernière goutte de chianti caresse mes papilles,
Coule dans ma gorge, réchauffe mon ventre rond et chaud
Je me ressers, la ville dort, le vent est frais
Et mon âme délicieusement engourdie

Du chianti et une grappe de raisin à ma droite,
La lumière diaphane de six bougies
Remplace une lune toujours absente
Et sept fleurs brunes s’enroulent autour de ma cheville