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Christophe LEROY

La chute des anges

Dans la vallée ou la bataille a pris fin et où croupissent
Des cadavres pourrissants s'échappe à présent une vapeur
Brunâtre et malodorante qui me fige de dégout. J'avance pas
à pas en évitant de croiser les regards creux et ternes des
Dépouilles, car peut-être que dans cet amoncèlement
D'horreur figure un de mes compagnons. Je ne souhaite pas
Garder d'eux comme derniers souvenirs une image de néant.
Je tente de me rappeler comment nous en sommes arrivés à ce
Jeu sordide et fou. Mes vêtements sont en lambeaux et le
Sang qui s'échappe de mes plaies me souille.
Ce monde est il réel ou cet amas ocre et rouge qui
M'entoure n'est qu'une illusion ?
Je déambule depuis plusieurs heures dans ce qui semble
Avoir été une grande ville. Sous mes pieds nus des insectes
Et autres vermines sont écrasés sous ma foulée.
Enfin je perçois des signes de vie sous la forme de
Gémissements et de lamentations. Ce sont de petits enfants
En haillons couvert d'ecchymoses et de lésions infectées.
Ils se nourrissent avidement de ce qui me parait être de la
Chair crue suintante et putride. Je remarque à leurs côtés
Un corps d'adulte dévêtit et décharné qui hante mes
Pensées. Ces gamins tremblants qui mangent cette viande
Suspecte deviennent mon obsession. Je m'interdis rapidement
De tenter de savoir l'origine de ce qu'ils sont occupés à
Manger.
M'éloignant de cette scène dérangeante je note que par
Endroit le brouillard toxique est fendu en dentelle par une
Lumière agréable et douce, telle la banquise par un brise
Glace. Je me sens guidé et attiré par ce halo chaud et
Blanc qui se noie dans cette brume épaisse. Comme si mon
Sursit était dépendant du chemin qu'il me faisait parcourir
En le suivant.
Les victimes des précédentes attaques décorent tristement
La route sur leurs crucifix, faisant la joie des corbeaux
Qui commencent leur funeste repas par le ventre et la face.
Les hurlements des chiens et des loups au loin résonnent en
Une grotesque messe. Les traces de civilisation
Disparaissent, plus j'avance et moins je croise de vivants.
Je ne compte plus les jours et les nuits de marche que je
Viens de faire depuis mon réveil. Il m'est très difficile
De différencier l'alternance, tant diurnes et nocturnes se
Ressemblent. Cette bruine irrespirable et opaque occupant
Tout l'espace qui m'entoure interdit toute clarté. A part
Cette irrésistible aurore que je devine toujours devant et
Que je suis encore fidèlement.
Je ne sais même pas qui a gagné cette guerre mais je suis
Certain qu'elle n'est qu'en veille. Que demain les hordes
Du mal auront à nouveau formé leurs troupes et se
Rassemblent. Ma foi me quitte, je me battais pour le bien
Mais je vois que les marcheurs se sont multipliés. Bientôt
Je serais le dernier qui respire, je crains de ne plus
Croiser que ces morts vivants.
Seigneur ou est passé l'amour, ou sont les fleurs, les
Sourires et ou dois-je me rendre ?
Je vous implore ouvrez moi les yeux sur ce qu'il y a de
Beau à continuer d'espérer. Mes forces me quittent, je ne
Suis plus que l'ombre de moi-même, une épave à la dérive.
Je délire tellement j'ai vu d'image inhumaines et de scène
De barbarie abjecte.