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Célédonio VILLAR GARCIA

Les poètes des jonquilles

Avant d’être écouté vraiment
De posséder enfin en moi
L’attrait attisé des diamants
A chaque syllabe de ma voix.
Avant de la débroussailler
Cette forêt d’indifférence,
Jour après jour, pour préserver
L’espoir usé par l’impatience.

Avant de sortir du purgatoire,
De crever leurs rats qui me rongent,
De dégueuler sur l’oratoire
Les plats garnis de fausses oronges,
Combien de laveurs de ratons,
Sur le miroir de l’eau des fleuves
Et sous les arcades des ponts,
Devront astiquer tant qu’ils peuvent,

Le tain des idées, accouchées
Silencieusement, en solitaire,
Sur feuille de papier quadrillé,
Mot après mot, vers après vers.
Avant de brandir l’étendard
De la première vraie récolte,
De planter dans la chair le dard
Du cri d’amour de la révolte.

Combien de phrases « coup de poing »
Faudra-t-il encore encaisser
En protégeant les I sans point
D’un morceau de cœur dénudé
Pour camoufler un maximum
Les blessures de la cruauté
De ces femmes et de ces hommes
Qui n’oublient pas de détester.

Et le jour bâille. Alors
Les poètes des jonquilles,
De blanc et jaune, colorent,
Près des débris de coquille,
Des rêves souterrains
Surgis de la pénombre.
Anonymes mais souverains
Sur les tréteaux d’une ombre.

Encore. Défendre sa franchise.
Récuser le faux dans le box.
Si vulnérable à ce qu’ils disent.
Et pourtant être un paradoxe.
Encore. Fuir. Fuir le chant des cors
Des cœurs mouvants comme les vagues.
Hé, fils de tisserand ! Leur décor
Est entrelacé de madragues.

Pour les franchir elle vous saque,
L’hypocrisie et ses huissiers,
Lorsque ceux-ci ouvrent leurs sacs
Sournoisement, pour que vous puissiez
Embrasser toute vérité
Embrasée par la certitude
D’un baiser, imbu de pitié,
Tant il étreint la servitude,

Les jolies phrases, trop maquillées,
Appuyées bêtement sur leurs cannes.
Aux jambes si écarquillées
Que passe un convoi de chicanes,
La liesse des « 24 décembre »,
Tous ces beaux Noëls censurés
A ceux qui crèvent dans leurs chambres,
Qui n’osent même plus susurrer

Les mots idiots des « Saint-Sylvestre »,
Par exemple : Bonne. Heureuse. Année.
Après le premier bruit d’orchestre
Ça donne envie de dégueuler,
D’ôter les mains de la courroie
D’entraînement des modes pourries,
Pour librement tendre les doigts
A des amis qui crèvent aussi.

Et le jour bâille. Alors
Les poètes des jonquilles,
De blanc et jaune, colorent,
Près des débris de coquille,
Des rêves souterrains
Surgis de la pénombre.
Anonymes mais souverains
Sur les tréteaux d’une ombre.

Et quand vos soirées réveillonnent
Si superbement à vos pieds,
Que les grands diseurs bâillonnent
Le bruit déchiré du papier.
Prisonnier des airs de l’ambiance
Qui m’asphyxie dans vos murages
Le long de la ronce du silence,
Je pars. Je cueille des mûres sauvages.

Puis, pour fuir vos jours préfix
Et vos verdicts faits de bravades,
Dans l’enclos des rêves je fixe
Un seul regard, mais qui s’évade
Dans le tourbillon de la prose
Des poètes maudits des dieux…
Chaque nuit je cultive les roses
Du jardin caché à vos yeux.

Le temps possède des minerves
Qui m’impriment chaque seconde
En emmenant ce qui énerve…
Pour vous, mes absences abondent.
Vivre ou survivre dans un monde
Qu’on refuse en grande partie,
C’est avoir un cœur qui s’inonde
A la première goutte de pluie.

C’est avoir l’âme qui s’aiguise
Comme une caresse aux mains tendues,
Que chacun reçoit à sa guise
Pour réchauffer un instant nu.
Vois. Sur le silence bohème
Rôdant près des marches funèbres,
La promenade des poèmes
Est la compagne des ténèbres.

Et le jour bâille. Alors
Les poètes des jonquilles,
De blanc et jaune, colorent,
Près des débris de coquille,
Des rêves souterrains
Surgis de la pénombre.
Anonymes mais souverains
Sur les tréteaux d’une ombre.