Quand tu seras plus vieille et moi le petit vieux...
Que mon œil dans ton œil et mes yeux dans tes yeux, Du même face-à-main, au fond de la venelle Verront le strict pareil, nos rides de prunelle Fermeront la paupière et nous nous endormi- -rons tous les deux le soir, le corps enfin ami. Sous l'abondante pluie, abondante de brume Et le pâle zénith qui radoucit l'agrume Nous nous adonnerons aux parfums d'Oran chez- Moi, le soir, dans l'encens d'odorants orangers. Le présent dans le presse-agrumes des chimères, Des acides citrons, des oranges amères, Refoulera de nous les aigreurs du festin De ton pauvre avenir, de mon sombre destin. Quand ton heure demain sera vert-de-grisée, Dans le cadran de verre une aiguille brisée, Une vieille vipère immergée dans l'alcool D'un vignoble maudit rasé d'un ras-le-bol Où hiverne l'amour... Les tremblantes soupapes De nos cœurs et du pain béni de douze papes Émietteront un sexe encore inquisiteur A l'aube de partir vers sa baby-sitter. Le plaisir affamé gobera les minutes, Mon désert de Gobi, ta forêt des Carnutes. Quand nos jours crèveront des rudesses des lois Dans le chaudron fossile ankylosé d'effroi Sous la glace pillée au pic de Copenhague Et des ciels pleins de neige au-dessus de la dague... Notre amour immortel traînera, mollasson... Autrefois un colosse : Il n'est plus qu'un glaçon ! Nous aurons près de l'âtre aux amours réunies Quarante souvenirs de vides décennies.
Quand tu seras plus vieille et moi le petit vieux !