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Célédonio VILLAR GARCIA

Le bateau vache

"Emmène boire les vaches à l’abreuvoir du ruisseau."

"Je ne connais ni les vaches ni l’abreuvoir ni le ruisseau.

"Suis les vaches, tu les découvriras."

Au lieu-dit,
Un bateau en papier journal, encore ivre de la veille,
S’était échoué dans le trou d’un sabot de vache.

"Le ciel était si bleu, si beau.
Les fleurs plus superbes encore.
Deux tempêtes de parfums m’ont déboîté les voiles.
Dans le port de l’an clos je me suis échoué.
Désembourbe mon ancre.
Déplie soigneusement ma coque en papier journal.
L’encre, pour te remercier,
Te dévoilera les dessous de la noirceur de la seiche,
La vraie couleur du paradis terrestre.
Dans ton imaginaire, au sceau de la vérité,
L’encre,
Avec des mots,
Te bâtira des châteaux de sable en Espagne
D’où tu pourras, sur le trône des princes,
Voir l’odyssée de ma grande traversée.
Puis, si tu suis scrupuleusement les pliures,
Tu pourras me reconstruire,
Faire, à ce trou de pied de vache,
Une petite fontaine, avec le filet d’eau
Joindre les océans de cette ronde Terre,
Ainsi je pourrai atteindre le terminal de mon rêve :
L’estuaire de la Cigogne…
Pour connaître le secret des huîtres perlières."

J’ai défait le bateau. J’en ai fait un journal.
L’alphabet ignore l’innocence de l’enfant.
Comment transformer en image ce que représente le mot.
Je ne savais pas lire. Pas encore.
J’ai frotté le journal froissé avec l’ortie des ronces
Et le cobalt de l’horizon.

Avec des algues rouges trempées dans une vague bleue,
Un cochon est venu essuyer des pieds de porc.

Les vaches étaient parties.
Seul, tandis que je pleurais, sans m’en rendre compte,
Pour retrouver la maison je suivais les bouses.