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Bernard PELLACUER

Le Village

« A travers le feuillage souffla le doux zéphyr
Qu'à peine l'aile d'un papillon, fit frémir,
Au passage, un lampyre souleva sa paupière,
« Personne ne dérange ainsi un coléoptère! »

Ces images me reviennent, des bons-points de l'école
D’une leçon de choses entre deux cabrioles,
Mais qu'il faisait bon vivre, en ces temps-là, sur terre :
Ces souvenirs d’enfance ont l’odeur de bruyère,
De champignons sauvages, de châtaignes en automne.
D’hiver au long manteau, blanc, triste et monotone,
Nous assistions rêveurs au printemps qui s’éveille
Le bourgeon à la fleur, le raisin à la treille,
Nous annoncions l’été d’une grande farandole
A travers le village pour la fin de l’école,

Le Ponant répandait les effluves de chêne,
De cèdre centenaire, de genêt, de troène.
Sur les chemins gravés d’’empreintes de nos courses
Nous buvions l'eau glacée jaillissant d’une source.
Les plaines et les vallées exposaient leurs couleurs
Les prairies et les champs éclataient de leurs fleurs.
Sur les hauts pâturages les bovines paissaient
Et les enfants d'ici se gavaient de leur lait.

L'herbe poussait grasse et dans les champs de blé
Les épis flamboyants, par le vent ondoyé,
Remplissaient les boisseaux d'une juste mesure,
Et la vie coulait simple, paisible, sans césure.
Quelques buches dans l’âtre nous chauffaient pour la nuit
Et le crépitement des flammes, le seul bruit.
La fumée sur les toits recouvrait la commune
Bleutée d’une clarté descendue de la lune.

Quelquefois, un noctambule oiseau voyageur
Ecervelé, oublieux de l'endroit, de l'heure,
Venait s’abriter sous l’auvent des terrasses
Craignant de trouver sur sa route un rapace.

La lumière, quoique faible, suffisante en ces lieux,
Eclairait nos logis mais nous gâtait les yeux.
En classe, nous apprenions l'école buissonnière,
Le nom des arbres, des fleurs, des plantes printanières,
Quelques rois fainéants, de longs fleuves tranquilles
Avec des professeurs qui venaient de la ville.
Nous allions dans les bois comprendre la nature,
Les sciences, la biologie, toutes créatures,
Les leçons de morale, le ramage des oiseaux,
Et dans les vastes prés, Molière, Victor Hugo.

Nous aimions nos aïeuls, la famille, nos parents
Ils nous apprirent la pêche, la chasse, d'où vient le vent,
Nous écoutions l’ainé, près de l’âtre brûlant
Raconter ses battues où la chasse aux faisans.
Nous avions du respect pour les gens du village
Quelque soit leur métier, quelque soit leur âge.
Qu'on s'appelle, Michel, Brahim, Amédéo
Nous mangions le même pain, buvions la même eau;
Dans nombre de maisons ouvertes la journée
Nous y trouvions bonbons, gâteaux, un verre de lait,
Pour le goûter, pain et confiture de cerises
Rassasiaient notre faim: le clocher de l'église
Cadençait les années au rythme des saisons.
Pas d'évangélisme ni de trop longs sermons
De l’abbé du diocèse, le dimanche à la messe,
Pas de Duc, de Marquis, aucun titre de noblesse,
Tout ce monde logeait jusqu’à la même peine
Qu’on dorme dans la soie ou sous un drap de laine.
Ainsi donc s’écoulèrent nos premières années
Qu’aujourd’hui nos enfants ne peuvent imaginer.

Je repense souvent, après d’années d’errance
Aux souvenirs d’antan, à notre tendre enfance,
A notre beau village perché sur sa colline
Entouré d’amandiers, d’acacias, d’aubépines,
Et je me dis que Dieu lui a négligemment
Jeté du haut des cieux une pluie de diamants
Et de perles de lune, pour voir du firmament
S’illuminer la nuit de ses reflets d’argent.