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Bernard BOUILLON

Antiquité

La brume chiffonnée que résurge la terre
Essuie au sol mouillé ses vapeurs calcinées ;
Sur les sommets rancis, des avalanches grincent ;
La bruyère épandue se pâme et s'exténue ;
La rocaille gauchit des fumées dentelées
Que rasent en impacts des sifflements mobiles.

J'entre dans une sylve où mes pas s'enchevêtrent,
Où ma pensée se navre et mon regard se vide.
De mols écroulements s'escarpent en échelles ;
Des agglutinements inégaux multiplient
Des murmures tachés d'étourdissements blêmes
Et des fanges germées de clapotis rugueux.
Jaunes et sautillants, des effiloche-nuits
Gambadent méprisants de clarté en écho.

Couvert d'un grand regard d'étoile souverain,
C'est le peuple de l'ombre aux surfaces curieuses,
Qui stagne spasmodique et dort à pleine terre,
Et qui respire en croix les ouragans du ciel.

Vieillard au bois rideur, un chêne millénaire
Trône au sommet froid de sa clairière lunaire ;
Ses bras noueux blanchis fouillent son nid de pluie
Et sa barbe de liane est maculée d'argile ;
L'écorce de son front tortueux crisse au souffle
Sec de la nuit ; fourchus, ses cheveux effrontés
Se hersent. Un brouillard de frisson blafard rampe.
L'herbe au pré actif du prophète des forêts
Danse, frappant sa verte et pâle sarabande.
Des feuilles grattent les nuages et jacassent.
Les rayons croupis qui se crossent effarés
Sur le lac affluent d'un grondement végétal ;
Et l'ancêtre remue son rire minéral.

Plus loin,
Ivre au vent de la plaine arpentée, je vacille ;
- Un vertige m'imprime au coeur sa glace rouge -
Et la terre accrochée tombe, écartée d'angoisse ;
Mes doigts fuient ; mes cheveux débattus s'enracinent ;
De moi, mes bras onglés s'élargissent, mêlés,
Et mon corps désaxé tournoie, se décompose,
Filamenteux s'évide et se métamorphose ;
Muré dans mon manège impossible,
Je crie...
Je pars et me disperse où l'univers m'informe.
Hélas ! je suis...

Je suis loin.
Un alarmant regard indéfini me guette.
Dans mon jardin ténu, le sol poudreux crépite
Pour un volcan fiévreux, caverneux, qui gigote.
Triste...
Sous un cristal, je suis le flot creux d'une grève,
Varech d'île au vol flou dont le ressac dérive.
L'étendue m'engloutit sa médulleuse alcôve.
Triste...
Dormant, j'entends l'appel dont se nourrit la pierre,
Des souffles familiers éparpillés en chaînes,
Qui roulent jusqu'au gouffre où mon caveau demeure.