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Benoit MORARD

Quand la grenelle disparaît

Une fois, quand la grenelle disparaissait
Sous les charmes d'un soir écarlate,
Une goutte s'écrasa sur la table qui rougissait,
Alors la Maîtresse pour la punir s'en alla.
La neige tombait et se fracassait contre ses épaules.
L'impure coulait des Cieux qui se nettoyait le corps,
Là, dans une chute toujours plus lente, le saule,
De ses mains blanches et disgracieuses, la prenait alors.
Ou le flocon atterrissait sur le fin manteau,
Mais déjà s'endormait dans sa volute
Avant d'avoir pu s'approcher de sa tendre peau,
Avant d'avoir pu caresser son O sublime cou!
Les cheveux, patiemment coiffés,
Se constellaient de taches d'eau.
Les lumières du froid laissaient
Echapper la fumée blanche de son souffle.
La blancheur de son visage faisait pâlir les passants,
Qui la contemplaient sous les regards effrontés des femmes.
Seul son nez divin rougissait des lames de tous ces faons,
Le froid picorait son visage dispersé de mille grains,
Où une folle, les mains au visage, répandait son pain.
Le pas de son corps laissait sur le sol
L’empreinte d’une chaleur infinie ;
Dans le pas que suivait la folle
Se tenait un bouquet d’ardent lis.
Le pétale alors tombait à chacune des secousses,
Mais ne s’étale sur le sol comme un cadavre privé de tout,
Le miracle: la source fait jaillir le brigand hors du trou.
Une route matte perce la toile d’une vie, et monte a Dieu
Et un feu la rattrape, celle qui a craché le cadre sans age.
Et la voici qui s’arrête ;
Son feu, par le vent glacial,
Ne conduis plus fidèlement son Etre ;
Elle a été trahie par les siens du Ciel.
Un instant encore elle paraissait statue,
Mais le charme ne rompt point, et soudain décolle.
Ses yeux se baissent, la lumière faiblie, l’âme s’est tue.
Enfin, la tête se sépare du reste de son pauvre corps.
Elle est maintenant déguenillée, ses cheveux sont troublés.
Son visage est maintenant celui d’une folle malheureuse,
Ajoute au désespoir, leurs visages maintenant sont tournés.
Elle ne peut plus les voir. La capeline cache une pleureuse.
A la voir, il n’y aurait plus de bonheur,
Elle gémissait en elle, sans que le passant
Puisse connaître la cause de cette heure.
Le soleil n’aurait plus d’être au fidèle versant.
Alors, éguenillant son encombrant manteau sa tristesse,
Se libéra de la glace qui l’enveloppait, et perla la vie;
Le pigeon qui roucoulait parut surpris de cette liesse,
Et il s’envole dans les airs pour trouver le calme flétrit.
Et elle court chercher cécité dans le velours de sa maison;
Le cœur battant dans sa poitrine recouverte d’un tissu noir,
Elle va courant échapper au bruit des crieurs au loin,
La voilà qui rit de celle qu’elle veut maintenant revoir.