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Benjamin Bridoux

La chanson nocturne

C’était une nuit lente et stable, pleine de silences et de ténèbres
Une nuit de février anormalement chaude
J’avais passé la journée à suffoquer dans les friperies du Marais et depuis je transpirais dans mes draps trop épais
Le noir avait tué l’action et moi, entre les planches de mon lit, je pensais
À toi
L’attente d’un bus à un arrêt de bus éclairé seulement par un lampadaire clignotant
J’enfile une chanson dans mes oreilles
C’est toi que j’écoute
Puis le bus et le train qui va partir
Course sous la pluie et c’est toi que je rejoins
J’ai mon train
Les lumières floues se bousculent dans mes yeux mais moi, c’est toi que je vois
Les reflets bizarres de la vitre ne m’offrent pas de repos
Tes yeux non plus
Ah, je repense à ça
C’est drôle cela fait si longtemps maintenant
En voyant mes lèvres dans l’ombre floue de la nuit je pense aux tiennes
Pleines et chaudes comme un fruit
Je croque dans tes lèvres à pleine langue
La plainte de l’oubli résonne dans le ciel pluvieux
En traversant les banlieues endormies
C’est le temps qui remonte
En je m’en vais faire un tour sur la ligne de feu
Et cette chanson que j’écoute
Quelle chanson ?
On dirait un vieux générique de film japonais
C’est l’impression qui se dégage de ce rêve aigre-doux
C’est le souvenir que j’ai de toi
Dans ce train aux sièges vides
Qui fend la nuit comme un missile ronronnant
Et je me retrouve à caresser tes cheveux
À les lisser au fer chaud
À me brûler la peau
Tu vois
La marque est restée sur mon bras
Aussi indélébile que ta bouche brûlante
De gare en gare elle me suit
De train en train de bus en bus
Comme une ombre de feu
Comme un cœur qui bat sur ma poitrine tremblante
Comme ma jambe de ta jambe mêlée
Comme ma peau de ta main agrippée
Comme ton cri qui déchire la nuit et les draps humides
Comme le temps infini après l’amour
Comme tes yeux dans les miens
Comme ton rire comme ta voix comme tes gestes comme mes souvenirs qui restent là
Qui restent là
Cette nuit lente et stable ne finit pas
Je crois même qu’elle ne finira jamais
Je vais attendre d’autres bus sous la pluie
Prendre d’autres trains vides
Écouter d’autres chansons peut-être
Et fendre l’ombre des banlieues de mon sceptre d’acier creux
J’ajoute un nouveau rêve brisé à mon costume de scène
Mais je ne serai pas seul
Non
Solitaire
Mais pas seul
Je t’aurai
Toi
Ma muse
L’étendard de ma foi
Ma raison de composer les mots
Tu seras toujours près de moi
Sur un siège vide
Comme la première fois
Te rappelles-tu ?
De l’arrêt de bus jusqu’au quai pluvieux
Le train était complètement vide
Et toi
Dans ta robe blanche qui te va si bien
Celle que je préfère d’ailleurs
Tu t’es assise près de moi
Tout simplement
On a partagé mes écouteurs en se souriant
C’était cette chanson
Notre chanson
Une chanson d’amour
Un air mélancolique
Qui fait penser à un vieux générique de film
Qui nous ressemble en somme
La fin d’un film d’amour
Qui se finit bien lui
C’est la première fois que je l’écoute
Depuis
Depuis que toi
Et moi
Depuis tout ça
Mais
J’aurais voulu ton nom au générique
Mais
Un happy ending
Mais
Nous ne sommes pas dans un film
« Mais la vie sépare
Ceux qui s’aiment
Tout doucement
Sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas
Des amants
Désunis »...