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Azeddine ALLOUN

Mais je suis déjà saoul -II-

Mâcher des vers vides et d’autres pleins de rides
Trognons amanites fulvas et phalloïdes
Brunes et vireuses le tout sur un quignon
Je n’ai plus pour mortel que ce péché mignon.

Vides tel Manneken-Pis qui ré-initie
D’antiques continents jaloux d’une vessie
Qui fit des tsunamis sans inondation
Et qui y va sans peur de quelque ablation.

Et pleins comme suer un soleil d’Algérie
Sur toutes les isbas gelées en Sibérie
Et des dattiers hennés d’où l’on goûte sevrés
Des fruits édéniques pour Adam désœuvrés.

Fauves et non fauves plutôt flore que faune
Sont vénéneux les mots que l’on mesure à l’aune
D’un amour dont le vin est ultime secours
Lorsque doute le sein de son propre discours.

Phalloïdes ainsi que d’orales annales
Que soufflent les totems des tribus bacchanales
Sur le bateau ivre d’un truculent Rimbaud
Sur le bateau-lavoir ou tout beau paquebot.

Brunes les gazelles timides des tropiques
Brunes également ces blondes germaniques
Fana de leurs nazis de maris enfumant
Toutes les étoiles brillant au firmament.

Vireuses voyelles dans la lie du verbe
Monte un rond de fumée fait d’eau de vie et d’herbe
Rappelant le poison au fumeur patenté
Qui fit que fut l’éther de poètes hanté.

Oui, c’est ainsi que moi je bois à la manière
D’un poète soufi avide de lumière
Qui façonne des cœurs de glaise et de bois-vert
Et chante la genèse à big-bang découvert.

Mais je suis déjà soul…
Et je suis vraiment soul, soul à lâcher l’obole
Et lancer mon verre comme le discobole
Dans les nuits stridulées par le chant d’un grillon
Laissant libres mes vers de tracer leur sillon.

Dans l’œuvre du Rahman et le cœur de ma femme
Étouffant un grand feu, ravivant une flamme
En poète qui trinque à la création
Et en mortel qui vit sa résurrection.