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Athanase BELLEJONC

Dans Cette Cour

Dans cette cour au gravier rouge, au sable fin
Crissant sous la semelle en cuir de mes chaussons,
Je passais des heures à regarder tout au loin
Les paysans, acharnés, récolter moissons.

Assis sur ce sol caillouteux, je ressentais
Autour de moi la vie bruyante et harmonieuse
Qui s'exhalait de la terre et de la futaie,
Du plus frêle insecte, à la sève sirupeuse.

Au-dessus de moi sifflotaient les gracieuses
Colombes au col vert, à la robe grisâtre,
Qui rejoignaient, en volant, leur couche moelleuse,
Rivalisant avecque celle de l'orfraie.

Le piaillement de leurs petits se confondaient
Avec le tintement des poêles, près de l'âtre
Suspendues, que grand-mère maniait, habile,
Précautionneusement, par ses gestes graciles.

Dans le jardin fusait un bouillonnant mélange
De couleurs vertes, rouges, jaunes et oranges
Qui livraient à mon regard une majestueuse
Palette de nuances gaies et doucereuses.

De fastueux coquelicots et géraniums,
Somptueux lys de blanc pur et roses vermeilles
Exacerbaient mon regard comme l'opium
Aurait soulevé mon âme, sans nul pareil.

Comme la marmite de bouillon que grand-mère
Préparait, où se mêlaient senteurs et saveurs,
Sous mes yeux défilait l'éventail des couleurs
Que le soleil affranchissait par sa lumière.
Osmose des couleurs, symbiose des senteurs.
Exalté par cette chaleur, mon nez rêveur
Sentait et ressentait avec facilité,
La puissance du thym, du persil, du laurier,

Qui rappelaient à mon souvenir le repas
Où se retrouveraient dans un dernier effort
Ces fins produits, mélangés en un même plat,
Aux goûts excitants, que mon estomac implore.

Jardin aux vieux arbres confus, aux lourds halliers
Où s'épanouit l'exquise beauté de la vie.
Jardin-Gîte où l'insecte et le petit gibier
Creusent terriers et nids, vivent en harmonie.

Le crissement des grillons qui monte dans l'air,
Tel le crépitement sulfureux d'une flamme
Qui se hisse hors du foyer puis retombe à terre,
A mes oreilles trouve refuge et se calme.

Au bas de la cour passait un chemin de fer;
Prévenu par le tintement du carillon
Du train, je l'allais observer cracher l'enfer
Et écouter le roulement des lourds wagons.