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Arwen GERNAK

Mais avant de partir, j’irai porter des fleurs

J’allais par les prés et les champs de mes domaines
Braver la fadeur des édits et les morsures de l’ennui ;
Je m’extasiais des bluets, le jour, des phalènes
A l’assaut des corolles secrètes, la nuit.

J’allais mon chemin de bohème et de romance
Foulant les verts tapis, les perles de rosée,
Quand s’ouvrirent des chemins de belle errance,
Rivières écarlates sous un ciel irisé.

Est venu un magicien, un prince, un poète.
Il m’a chanté les merveilles et les laideurs
Du monde. Il disait : ‘toi, coursier que rien n’arrête,
Toi, le hardi, vois ta crinière, toute candeur.

Il disait : ‘de tes cils caresse les brindilles.
De tes sabots nerveux ouvre de larges brèches !
Bois mes chansons : regarde, ta robe scintille…
‘Saute dans le vent, cheval pur et revêche !’

D’autres sont venus, armés de ruse et d’envie,
Au poignet un fouet qui ne peut lacérer
Que des chairs craintives et affaiblies :
Contre l’effroi, mes galops sont parés.

Ni les poètes, ni les harpies, plus rien
N’est mors pour mon tempérament récalcitrant.
Quand vous m’apercevez, dites-vous bien
Que mon cœur est tzigane ou fabuleux brigand.

Jeune destrier fougueux qui va de l’amble,
Par les prés et les champs et l’étendue des plaines,
Je choisirai toujours les voies qui me ressemblent :
Je n’ai point de licol, d’éperons ni de chaînes !

Ma folie est sans borne et mon instinct aussi
Un élan effréné m’entraîne loin d’ici
Je m’abandonne aux joies aveugles de l’ivresse
Que jadis j’ai choisies et prises pour maîtresses.

Mais au bout de ma course, déjà je le devine,
Un destin fabuleux dans le fond se dessine,
Une falaise abrupte et un envol douteux,
Voyage en solitaire en pays d’entre deux.

Mais avant de partir, j’irai porter des fleurs
Au fou de Charleville dont la mère est en pleur…
A cette femme encore mon don est secourable
Car elle seule aussi m’apparaît plus aimable
Que l’impiété jeune, même la plus affable ;
Et les eaux souterraines, dans leur vive fraîcheur,
N’ont pas jeté la vie hors des ces profondeurs
Pour la voir replonger au sein de la torpeur,
Quand brille sur l’horizon, un astre incandescent
Dont les rayons éveillent,
Du terreau qui sommeille,
Le regard des fleurs.