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Arnaud JONQUET

Les cyclopes

La bêtise parfois nous fait tomber bien bas
Et l’homme primitif, la brute, le sauvage,
Veut toujours détruire ce qu’il ne comprend pas.
La fable ci-dessous en est un témoignage.

L’Odyssée nous raconte qu’en ces temps très anciens
Où Ulysse voulait retrouver Pénélope,
Existaient des géants, êtres antédiluviens,
Que la mythologie avait nommés cyclopes.

La légende rapporte ceci de curieux :
Sur leur immense front, ces terribles colosses,
Ne possédaient qu’un œil, mais énorme, au milieu
Et n’étaient rien de moins que des ogres féroces.

Or un jour l’un d’entre eux, parti sur les chemins,
Voulant, figurez-vous, explorer le grand monde,
Se sentit révolté, rencontrant des humains,
Par leur visage hideux, effrayant et immonde !

Et, d’une voix chargée d’horreur et de dédain,
A ses pairs racontait, de retour au village :
« Ces êtres – c’est affreux ! – ont deux yeux au lieu d’un !
Ceci est anormal au milieu du visage.»

Ameuté par ses cris, son brave peuple accourt,
Se récrie au récit de cette race infâme,
Comment ? De tels êtres vivent aux alentours !
Et leur foule bruyante se récrie et s’enflamme.

Un hourvari d’injures, de hurlements furieux
Monte alors, menaçant, de cette foule ivre ;
Haro sur les humains horribles et monstrueux !
Une race aussi laide a-t-elle le droit de vivre ?

Et franchissant alors du village le seuil,
La croisade se forme et hardiment galope ;
« Allons de ces monstres crever le deuxième œil ! »
Crie, la lance à la main, la troupe des cyclopes.

Quoi de plus meurtrier, quoi de plus dangereux
Et plus aveugle que la foule vengeresse ?
Il apparaît que plus les groupes sont nombreux,
Plus ils sont dépourvus de la moindre sagesse.

Conte mythologique et naïf, dites-vous,
Mais qui, admettons-le, a quelque ressemblance
A ce que font les hommes quand ils deviennent fous
De haine et de fureur, de bête intolérance.

Restons sourd à la foule , à ses cris, sa fureur,
Qui dans le doute charge ainsi qu’un taureau myope,
Réfléchissons d’abord sans céder à la peur
Pour ne pas réveiller en nous le vieux cyclope.