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Armand LAUNAY

Pollen

Allongé sur l’herbe en haut du coteau,
Au-dessus de l’Eure,
Je vois la vie grimper mollement
Grâce à la bise sans soucis
Qui porte le pollen des saules.

L’insouciance faite symbole,
Le pollen,
Par petites boules nonchalantes et joyeuses,
En apparence un peu vaines,
Se répand dans le paysage de soleil,
Et dans mon cœur aussi lumineux.

Le pollen est pour moi
Un relais entre la vie aujourd’hui
Et celle de demain
Où les saules seront
Les jalons du cours de l’Eure,
Les ombrelles des promeneurs de l’été,
La chevelure du paysage fluvial de Seine
Aux courbes comme les grâces
D’une divinité des temps païens.

Et moi, dont la peau libre est caressée
Par des airs tièdement frais,
Et chauffée par des langues solaires
À peine râpeuses,
Je suis le témoin de cette vie
Qui mue lentement.
Il n’y a que la course rapide
Des hommes fuyant l’angoisse
Qui tranche avec cet instant.

La course et le travail
Bien souvent
Permettent d’oublier
Les fondements de l’angoisse.
Mais ils donnent
Moins de bien-être
Que d’anxiété.

Et mon plaisir prend du relief
Quand je songe à cela.
Je mesure mieux le luxe
De ces instants de repos.

Alors je bois à grandes gorgées
Ce temps libre
Qui évolue sous la forme d’un paysage
Où je ne suis qu’une boule de pollen
Insouciante
En passe, peut-être, de transmettre la vie;
Du moins je transmets la paix
Qui la rend si belle.