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Armand LAUNAY

Déesse Seine

Comme une douce mère offrant à allaiter,
La déesse Seine, depuis des temps immémoriaux,
Offre ses eaux aux plantes, hommes et animaux
Qui lapent les ondes de cette fluide fertilité.
Depuis la nuit des temps, la déesse Seine se meut
Dans nos vertes contrées, parmi les fraîches brumes
Avec lesquelles dansent les pâles ombres qu’exhume
La recherche historique : celles de nos lointains aïeux.
Sequana, nom gaulois de la Seine au fécond lit,
Est fille de Potnia, l’opulente déesse mère,
Et sœur de Déméter, qui fertilise les terres :
Et dansent les déesses : leurs robes animent la vie.
Tournent les couleurs des dives robes des saisons :
La chaleur de l’effort se mélange au vent froid
Du mouvement et le temps varie des frimas
Jusqu’aux touffeurs qui s’en viennent avec la moisson.
Tournent les couleurs des dives robes de la vie :
La Seine ne tient plus dans son lit trop petit
Et s’unit aux rives, aux sols et aux prairies;
Elle partage ses eaux avec les sols enfouis.
Sa démarche de jeune femme tumultueuse
Érode toutes les rives, enlève les alluvions
Et tourbillonne vivement dans les creux profonds
Rendant la nage, la navigation périlleuses.
De pertuis en pertuis, Sequana saute depuis
La Bourgogne jusqu’à la Manche qu’elle arrose,
Et franchit en deux pas les seuils de Martot et Poses,
Où sa course à la mer nettement s’accomplit.
Ses eaux impétueuses ne sont plus ce qu’elles furent
Car les fils des dieux les ont par trop jugulées
Et dans ses veines ont versé des liquides impurs
À tel point qu’on croirait que la vie l’a quittée.
La Seine, hélas ! ne peut plus laisser libre cours
À ses pulsions, ses bras n’empruntent plus tout le lit
Autrefois dévolu à ses fécondes amours
Dont sont issues toutes les formes locales de la vie.
Mais cela n’est qu’apparence car l’esprit, lui,
Anime à jamais le courant, les êtres vivants
Et permet à la vie de changer à l’envi
Ses expressions et ses formes de chaque instant.
Cet esprit n’est pourtant qu’une des facettes magiques
Du prisme minéral, fils d’atomes, à travers
Lequel passent les couleurs des éléments qui errent
Tels l’arc-en-ciel, dans la matrice organique.
Le cœur de la Seine continue donc de battre
À travers tous les mouvements de la marée.
Seine : les cordes de la lyre idolâtre
Vibrent avec les courbes de ton corps adoré.
Déesse : telle l’enivrante voix des Muses
Mes rêves portent mon désir de t’épouser
Mais, frêle mortel, ma raison ne s’abuse :
Je veux que tes charmes restent inviolés,
Je désire qu’ils profitent à la postérité
Et que, quelles que soient les robes grises et sales
Que certains hommes te font porter, qu’à jamais
Tu sois la force qui coule dans la veine vitale.