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Sylvain ROMANO

Le vieux monsieur.


Je suis un vieux monsieur. Je n’ai que vingt-cinq ans.
Je suis un vieux monsieur. Jeune et de vie envieux,
J’en conviens ; mais je suis un très très vieux monsieur.
Un jour est une vie, et moi, je le comprends.

Un soir, je n’étais pas encore très très vieux,
L’absurde m’a vaincu, et m’est apparu Dieu.
Ensuite, j’ai quitté les nombreux jours de peines
Ainsi que l’on enlève un vieux bonnet de laine.

J’ai couvert mon visage avec un voile noir,
Identique à celui que j’avais autrefois ;
Et mon alter ego se conduit comme moi.
Qui aura le moyen de s’en apercevoir ?

Ce pantin conduit ma constante défiance,
Or, dans cet univers; moi, je n’habite plus.
Je ne sais si c’est moi qui l’ai vraiment voulu,
Mais je ne peux ici vivre sans impatience.

Je suis un vieux monsieur qui compte les journées.
Une a les souvenirs d’une très longue vie.
Si moi j’ai vingt-cinq ans, mille ans a mon esprit.
Un jour a les beautés d’une très longue année.

Je crains le Créateur ; je méprise la Mort
Parce qu’elle est pour moi un adversaire fort ;
Et quand il me tuera, je ne pourrai rien faire,
Et je redeviendrai poussière sur la Terre.

Comme les vieux messieurs, je mourrai radieux.
Le Temps est le tueur le plus sûr de la Mort.
Assassin ponctuel, il convoite nos corps.
Nos jours sont à la Mort, notre esprit est à Dieu.

Je suis un homme libre, un vieux monsieur heureux.
Mes chaînes sont brisées, mes yeux dessillés,
L’esprit rasséréné, mon cœur brûle, est un feu.
Mon unique passion : l’esclave Liberté.