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Sylvain BERNON

O petite encre noire !

Me revoilà mouillé, sombre et sale comme tu aimes,
J’ai pas tenu deux mois, ô petite encre noire !
Pourtant tout allait bien si loin des chrysanthèmes,
Si bien qu’il faisait clair à l’ombre du brouillard.

Il est mort, avant-hier, de quoi te mettre en joie,
Moi je l’ai vu pleurer, ô petite encre noire !
Alors que nous dansions si loin de cette croix
Qui s’agite aujourd’hui comme un simple mouchoir.

Il arrive, parait-il, que tu nous rends plus fort,
Laisse-moi rire et chialer, ô petite encre noire !
Car mes yeux dans son cœur se répètent : « Il est mort,
Plus jamais son visage n’habillera de miroirs ».

Je l’ai laissé partir, toute seule avec toi,
Seule à bord de ce train, ô petite encre noire !
J’imagine ses larmes crier qu’elle n’y croit pas,
Vingt-deux heures cinquante-cinq, elle arrive à la gare.

Son frère son père sa mère sont là pour te chasser,
Mais ça te fait sourire, ô petite encre noire !
De voir qu’il n’y a pas qu’elle sur le point de saigner,
Ils s’embrassent, réalisent qu’il est déjà trop tard.

Puis demain apparaît, inévitablement…
Tu te lèves auprès d’elle, misérable encre noire !
Onze heure sonne dans l’église : début de l’enterrement,
Et je ne suis pas là pour vivre son cauchemar.