A mon empathie
Elle coule dans mes veines, au moins depuis trente ans,
Je l'estime, la déteste pour tout ce qu'elle me fait.
Il suffit qu'une colombe vienne se brûler les dents,
Et voilà qu'elle accoure à deux pas de mes pieds.
Elle raconte à mon cœur la détresse du voisin,
Je l'écoute, la rejette comme fruit bien trop mûr.
Quand une goutte salée s'invite à mon chemin,
Nul ne peut l'empêcher d'embrasser la torture.
Elle avale tout ce qui passe, les moindres émotions,
Je l'accueille, je la fuis jusqu'à rester en vie.
Et si, dans un hasard, le vertige lui dit non,
A coup sûr, elle dévore, reconstruit, puis détruit...
Elle marche un peu toujours auprès de la Beauté,
Je la bois, l'abandonne au comptoir de mes heures,
Perdues dans le secret d'un sommeil délaissé,
Ses promesses naviguent mon absence de pudeur.
Elle aide, prétend-elle, beaucoup de corps malades,
Je la suis, je m'oublie, ne sais plus qui je suis.
Pourtant, depuis trente ans, lorsque je la regarde,
On dirait qu'elle me voit, me ressent elle aussi.
Alors elle bave, crache, expulse sur ma peau
Sa lâcheté quotidienne qu'il me faut contrôler.
Peut-être qu'en effet, elle n'est pas un cadeau,
Mais je la remercie simplement d'exister.
