Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Steve DELCOURTE

Vieille branche

C’est le moment précis où
René croise le regard de Jeanne.
Tout droit rentré du bistrot
Où il a laissé son solde, il s’arrête.
« Après douze ans, je te le redemande Jeanne.
C’est mon droit d’époux que je te réclame ».

Silence dans la pièce.

La pièce rend le silence emprunté.

La vieille répond par un regard de défi, les poings serrés.

Le temps s’invite, discret mais déterminé.

« Tu me le dois », lui hurle-t-il de son haleine imbibée.
Un long moment de silence souligné par
Le pendule sur la cheminée du salon
Plonge le vieux dans un chaos de doutes houblonneux.



Par dépit, elle dévoile son corps flétri
De la robe mitée et trop longtemps portée qui la cachait.
Jeanne retint les mots de haine qui lui arrachaient
La tête ; l’homme se rapprochait péniblement
Sous le seul bruit de son souffle haletant.

Les autres sons n’avais pas d’invitation.
Ils resteront sur le paillasson.

La main du vieux, cornée par le ciment et le temps,
Encercla l’unique sein stalactite de l’acariâtre
A la peau diaphane parsemée de zébrures veineuses.

Le gris est de rigueur souffla le temps au silence nu.
« Est-ce la fête ? » lui demanda ce dernier ?
Le temps ne répondit pas et le silence s’installa.

Lorsque René tendit l’autre main
Vers le sexe perdu et stérile,
Il se fit stopper par la force du désespoir
De sa femme et bourreau.
« Que tu salisses,
Que tu déchires,
Que tu exultes,
Tu es seul mon pauvre René ».



A l’unisson, un râle colérique monta
Des deux vieilles cheminées bouchées.
Alors vieille branche, tu jouis ?
Les corps se raidirent
Et vomirent sur le sol
Comme s’ils n’étaient
Qu’un.