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Roger VIDAL

Onze Novembre

« Demain, sur vos tombeaux,
Les blés seront plus beaux »
Voici les quelques mots, d’un quidam, hérités,
Monuments de bêtise et d’imbécillité

Ce siècle fut pareil à tous ses précédents,
Déjà quatre vingt ans, plus de quatre vingt ans,
Que repoussent les blés ni plus laids, ni plus beaux,
Dans les champs labourés et non sur les tombeaux.
Que pèsent aujourd’hui ces mots d’absurdité,
Ces mots tellement loin de la réalité
Qu’on vous a infligé comme un surplus aux bombes
Il n’est nulle moisson qui pousse sur les tombes.
Le refus grands pères de tous les « garde à vous »
Me vient de trop savoir ce qu'ils ont fait de vous….
J’ai en mon souvenir le portrait de chacun
Toi mon presque père le blessé de Verdun
Et toi, mon plus lointain en ces temps si confus
Peut-être fusillé pour un simple refus.
Vous deux qui n’étiez rien que des noms, en partant
Et qui êtes pour moi tellement importants.

Pour qui donc sont ils morts et pour qui ces souffrances ?
Toi, tu croyais très fort que c’était pour la France
Et toi tu écrivais dans tes lettres du front :
- « Pour quelques possédants, nous mourons et souffrons ».
Et l’arrière écrivait très officiellement,
Des phrases sur les blés et sur les Allemands.
Vous le blé vous l’aviez dépiqué sans discours
Et vous mouriez pour ceux qui en fixaient le cours.
Vous qui n’aviez connu d’horizon que montagnes,
Avec vos pieds collés aux glèbes des campagnes,
Toi artilleur peut être, au hasard des recrues
Qui armais le canon comme on tient la charrue,
Toi fantassin d’un jour, par la mitraille haché,
Ivre de cris, de gnôle, au sortir des tranchées,
Mort sans doute à Craonne en montant le vallon
Comme on marche en son champ tout au long du sillon.

Ah je vous imagine en mes dessins parfois
Tels Roland Dorgelès aux livres d’autrefois
Aux Florentin Prunier, aux discours qu’on remballe,
Mes grands pères voués aux obus et aux balles
Quels furent vos refus et vos peurs et vos cris ?
Quels ont été vos chefs ? Qu’a été le mépris ?
Quand on dit de vous « ils sont chair à canons »
On a presque tout dit sans avoir dit vos noms.
J’ai juré pour cela que je m’en souviendrai
De murmurer vos noms « François » ou bien « André ».
Ah je n’ai pas besoin de flamme qu’on ranime !
Vous n’êtes pas pour moi des défunts anonymes
Toi par qui ce passé me fut restitué,
Ou toi dont on ne sait quels fusils t’ont tué
Vous mélangez vos noms dans une même histoire
C’est votre revanche ce peu de ma mémoire.

Le 11/11/2009