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Robert ROBLOT-COULANGES

Paris rend moi mon fils.

Mon fils est revenu sur les ailes d'Eole,
C'est ce que nous a dit la vieille femme Créole.
Près d'une grande blonde, je l'ai vu hier passer,
Il ne m'a point salué et semblait très pressé.

Il ne reviendra plus m'a-t-on dit sous mon toit,
Et ne s'exprimera plus jamais en patois.
Paris rend son enfant à sa pauvre négresse,
Son cœur est en lambeaux et son âme en détresse.

Paris m'a transformé ce que j'avais de mieux,
M'a pris son affection, m'a volé ses grands yeux.
Il ne dit plus le soir ses longs chants de bel air,
Ne sait plus le créole et veut rouler les r.

Son langage n'est plus qu'un Français qu'il écorche,
Et ne sort plus jamais comme avant de sa gorge.
Il parle en argot, d'une façon bizarre,
Comme s'il aurait trouvez en ça un certain art.

Paris rend son enfant à sa pauvre négresse,
Son cœur est en lambeaux et son âme en détresse.
Il ne veut plus manger fruit à pain et banane,
Ne sait plus où placer le Marin ou Sainte-anne.

On dit dans notre langue qu'il est "comparaison",
N'a-t-il donc plus de cœur ou du moins de raison.
Quand viendra-t-il chercher ses fruits, prunes de citerre,
Qui près de la maison, tombent si souvent par terre.

Stérile en toute chose et vide de sentiments,
Il fait beaucoup de peine à sa pauvre Manman.
Paris rend son enfant à sa pauvre négresse,
Son cœur est en lambeaux, et son âme en détresse.

Que seront les enfants issus d'un tel ménage?
Que seront donc les fruits d'un pareil mariage?
Auront-ils des cheveux crépus comme les nôtres,
Ou seront-ils bien plats comme tous ceux des autres?

Devra-t-on au fer rouge sur ces fronts de nulle-part,
Démêler la tignasse pour les rendre épars.
Mon DIEU je sens en moi ce fer que l'on enfonce,
Comme à ces ouvriers en grève et sans défense.

Car tu as pris mon fils, tu m'as volé son âme,
Et plus jamais en moi ne brille aucune flamme.

Robert Roblot-Coulanges.