Les lumières de Fontarrabie
La nuit étend son drap ténébreux sur Hendaye
Et des nuages noirs n'annoncent rien qui vaille,
Des nuages épais venus de l'océan
Comme tout ce qui est, en ces lieux, influant :
Les pêches, les marées, les pluies et les bourrasques
Qui forgent les passions et tempéraments basques,
Cette vitalité qui, dans les restaurants
Et les bars, fait chanter ce soir les jeunes gens.
Demain, je vais aller vers l'intérieur des terres
Pour m'imprégner un peu de tous ces caractères ;
Je veux voir sur les cols séparants deux vallées,
Surgies dans le brouillard, les ventas installées
Où subsiste une part de la fièvre marchande
Qui occupait jadis avec la contrebande ;
Je veux voir s'égrener ces villages classés
Où partout, sur la place, un fronton est dressé,
Ces églises de pierre avec leur galerie
Qui domine la nef où l'on chante et l'on prie,
Ces maisons aux volets rouges et aux murs blancs,
- Solidement campées sur leurs herbus penchants -
Dont le toit désaxé, si l'on en juge au faîte,
Semble comme un béret incliné sur la tête ;
Je veux voir sur les monts, de pâtures couverts,
Les vaches, les brebis fréquenter les devers
Et ces chevaux trapus, montagnards émérites,
Qui, des travaux d'antan, entretiennent les rites.
Mais ce soir à Hendaye où est tombée la nuit,
Je suis face à l'Espagne et à Fontarrabie
Dont la Bidassoa reflète les lumières
Dans le miroir obscur de ses eaux frontalières ;
Et là-bas comme ici, de joyeux jeunes gens
Boivent et parlent haut dans d'autres restaurants.
Ils sont du même sang, de la même tournure
Que de ce côté-ci qui font bonne figure,
Le même flux marin les porte et les unit
Dans l'amour de leur terre et le goût du défi.
